L’illustration
ci-dessus montre le général José San Martin, l’autre grand libérateur de
l’Amérique du sud avec Simon Bolivar, mais qui, pour des raisons qui prêtent
encore à débat, n’aura pas bénéficié dans la postérité de la même renommée que
ce dernier, accompagné d’autre officiers blancs, et passant en revue une troupe
de soldats noirs.
De fait,
lors de l’indépendance de l’Argentine, acquise au prix d’une redoutable guerre
contre la couronne espagnole, grâce à la bravoure d’une armée composées pour
l’essentiel d’hommes de troupe noirs, dans ce pays qui comme tous les autres de
cette Amérique, dut une part essentielle de son développement à la déportation
vers lui de milliers d’esclaves noirs depuis l’Afrique, les noirs
représentaient encore à cette date, 1/3 de la population argentine.
Aujourd’hui,
l’Argentine se vit et est vécue comme un pays d’hommes blancs, et semble avoir
effacé de sa mémoire, le fait qu’il y eut tout d’abord des Amérindiens en ce
pays, mais également une très importante communauté de noirs...
Les
Amérindiens ne représentent plus aujourd’hui que 1% seulement de la population
argentine, et les noirs descendants de ceux qui furent à l’origine dans ce
pays, 3% seulement. Cependant, des études génétiques établissent que 4,5% des
Argentins possèdent dans leur sang des marqueurs établissant que des noirs
firent partie de leurs ancêtres, et manifestement, l’actuelle présidente de ce
pays, la très vaillante madame Cristina Kirchner, telle que nous pouvons la
constater particulièrement “typée”, fait probablement partie de ceux-là...
La question
se pose alors de savoir que sont devenus les Noirs d’Argentine...?
La réponse
habituelle consiste à dire simplement “ il n’y a pas de noirs en Argentine ” et
elle se trouve exprimée encore autrement par l’écrivain argentin Jorge Luis
Borges qui dit :
“ Les
Mexicains descendent des Aztèques, les Péruviens des Incas, et les Argentins...
du bateau ”
Cette
formule résume un peu la réalité argentine par le fait que depuis que fut
acquise son indépendance en 1816, aucun autre pays au monde n’a reçu
comparativement à ce qu’il était jusqu’alors, autant d’immigrants en provenance
notons le, exclusivement d’Europe, que l’Argentine, et c’est un autre écrivain
Octavio Paz, mexicain celui-là, qui l’exprime encore d’une autre façon en
disant :
“ Les
Argentins sont des Italiens qui parlent espagnol, et qui se prennent pour des
Français...”
Les
Argentins sont ainsi fiers de leurs origines européennes qu’ils pensent être
exclusives, pour ne pas avoir à s’interroger quant à ce qui fut la cause de la
disparition des noirs argentins, même si curieusement, le tout premier
président de la République d’Argentine, Bernardino Rivadavia était en fait un
métis, tel que cela peut facilement se vérifier par les nombreux portraits
qu’on possède de lui.
Ce fond
européen des Argentins provient du fait qu’a été mise en œuvre dans ce pays, à
l’instar de ce qui s’est passé au Brésil et selon la même idéologie,
particulièrement sous la présidence de Domingo Sarmiento de 1868 à 1874, une
politique de “blanchiment” de la population de l’Argentine, en faisant un appel
massif à l’immigration d’origine européenne.
Ceci, parce
que plusieurs guerres avaient dévasté une grande partie de la jeune population
blanche de cette région, et révélé de profonds antagonismes sociaux et raciaux.
Ce fut le cas concernant particulièrement la guerre dite de la “triple
alliance”, qui verra le Brésil allié à l’Argentine et à l’Uruguay, mener une
véritable guerre génocidaire contre le Paraguay. Ceci, officiellement à cause
de différents économiques et territoriaux, mais dans la réalité bien sûr
inavouable des faits, parce que le Paraguay était alors peuplé presque
exclusivement de métis créoles, et de métis entre Noirs et Amérindiens, cette
raison sera d’ailleurs confirmée par le massacre de la population de ce pays
auquel procéderont les envahisseurs.
Le Paraguay
vaincu sera dépossédé d’une large partie de son territoire mais surtout, il
perdra les deux tiers de sa population, particulièrement les hommes, au point
qu’au sortir de cette guerre il ne restera plus en ce pays, qu’un homme pour
quatre femmes...!
Ceci pour
dire qu’elle était l’idéologie dominante dans ces pays d’Amérique latine, qui
n’envisageaient alors de poursuivre leur développement qu’avec des hommes
blancs d’origine européenne, les noirs étant jugés inférieurs, et les indiens
tout juste bons à être exterminés et malheureusement, c’est ce qui leur
arrivera...
Les
idéologues argentins qui militaient en ce sens proclamaient alors que :
“ La
population ne tardera pas à être unifiée totalement, en formant une nouvelle et
belle race blanche... ”
On tentera
alors de faire venir par préférence des hommes de l’Europe du nord, mais face à
l’échec de cette tentative, on se rabattra sur l’Europe méditerranéenne, d’où
le grand nombre d’Italiens, d’Espagnols, de Portugais, et de Français lesquels
vont constituer le quatrième plus grand flux de migrants venant peupler ce
pays, et vont très profondément l’influencer, d’où le sentiment prêté aux
Argentins de se prendre pour des Français...
Cette
submersion des noirs argentins par le flux des immigrants européens fera dire à
un autre écrivain argentin pour
expliquer leur disparition :
“ Ils se
sont fondus dans la masse, comme la cannelle dans le riz au lait...”
C’est vrai,
mais il n’y a pas que cela pour expliquer la disparition des noirs argentins.
Il y a surtout le fait que dans toutes les guerres de libération qui vont
opposer les “loyalistes”, demeurant fidèles à la couronne d’Espagne, et les
révolutionnaires républicains, ceux-ci très fortement influencés à la fois par
la révolution française et par le personnage de Napoléon, et qui auront fait
comme Bolivar et San Martin, le voyage en Europe pour s’en imprégner, le fait
que les uns et les autres vont utiliser le même stratagème pour renforcer ou
même constituer carrément leurs troupes, faire un appel massif aux noirs...
C’est donc
avec la même promesse faite par les deux parties ennemies, d’accorder en cas de
victoire leur liberté aux esclaves, qu’elles vont pouvoir se constituer
d’importants bataillons de combattants noirs, pour la plus grande satisfaction
des colons qui redoutaient de voir leurs fils devoir partir se faire tuer à la
guerre.
C’est donc
sur la foi de cette promesse que des esclaves noirs vont s’engager par
milliers, afin d’arracher par cela leur liberté. Mais, cette promesse ne sera
malheureusement pas tenue, et si la guerre d’indépendance s’engage dès 1806,
les révolutionnaires profitant du fait que le roi d’Espagne se trouve alors
retenu prisonnier par Napoléon, pour lancer une grande offensive contre les
loyalistes, et que celle-ci sera finalement victorieuse en 1816, la fin de la
traite en Argentine ne sera proclamée qu’en 1840, et la fin de l’esclavage que
par la constitution de 1853.
Cette
trahison ne sera pas le fait des chefs militaires qui avaient une grande
considération pour leurs soldats noirs, et qui comme San Martin, allaient
jusqu’à partager leur ordinaire, et qui avaient de fortes attaches avec les
Noirs pour Bolivar, et avec les Indiens pour San Martin. Et, il est remarquable
à ce sujet que ces vaillants n’auront pas leur mot à dire concernant cette
question, car San Martin congédié et pourchassé par ses pairs devra se résoudre
à l’exil pour se réfugier en France où il finira dans le dénuement et dans
l’anonymat, et Bolivar quant à lui sera pris dans une tourmente qui le verra
victorieux militairement, mais finalement vaincu politiquement, face à l’échec
de la constitution d’une fédération des nations sud américaines dite “grande
Colombie, qui était son grand rêve.
Cette
trahison sera le fait de l’énorme pression qu’exerceront sur les gouvernements,
les riches propriétaires sans lesquels ces gouvernements ne pouvaient, ni se
maintenir, ni trouver les ressources afin de procéder au développement de ces
jeunes nations.
Tout ceci
aura eu pour conséquence qu’un très grand nombre de noirs argentins périra en
s’affrontant les uns contres les autres, dans la guerre de libération, et quant
aux autres qui étaient persuadés qu’ils seraient enfin proclamés libres après
le conflit, et qui n’envisageaient en aucune façon de retourner en servitude,
beaucoup se résoudront à l’exil.
Pour les
noirs qui se compterons encore malgré cela comme argentins, la seconde grande
guerre, celle de la triple alliance, où ils constitueront là encore les gros
bataillons de la chair à canon, de même que plusieurs maladies telles que la
tuberculose les frappant particulièrement, compte tenu des mauvaises conditions
de leur existence, achèveront de les décimer, les survivant se trouvant alors
dilués dans la masse importante des nouveaux arrivants.
Cependant,
cette disparition des hommes n’a pas provoqué la disparition de la culture
qu’ils y avaient développée, et c’est ainsi que c’est à eux que les Argentins
doivent le fait culturel qui les fait connaitre dans le monde entier, le fameux
“tango argentin”.
Contrairement
à une certaine légende, le tango n’a pas pris naissance dans les quartiers
populaires de Buenos Aires, même si c’est là qu’il y a trouvé sa meilleure
expression, depuis l’époque où près de la moitié de la ville était peuplée de
noirs et de métis.
Car, si le
tango argentin est le plus célèbre, on ignore souvent que cette culture des esclaves
s’est manifestée dans d’autres endroits des Amériques que l’Argentine, et qu’il
existe ainsi également des tangos cubains, vénézuéliens, et colombiens.
Le fait que
le tango qui au départ, ne concerne pas que la danse mais bien toute une
culture, soit un fait des esclaves noirs n’est absolument pas contestable, tant
son nombreux les décrets qui, depuis la fin du dix huitième siècle jusque vers
le milieu du dix neuvième, avaient pour objet de tenter de mettre fin à ces
pratiques des populations noires, jugées païennes par l’église, puisqu’elles
s’accompagnaient de certains rites tels que ceux du “candomblé”, et surtout
jugées bruyantes, propres à causer du désordre, et contraires aux bonnes mœurs,
par les autorités civiles...
Plusieurs
pistes ont été proposées mais aucune n’a pu à ce jour être formellement
confirmée, quant à l’origine lointaine du tango et à sa signification profonde.
Une des
hypothèses les mieux acceptée est qu’il s’agit sous cette appellation d’une
pratique secrète qui avait cours en Afrique, et que c’est à cause de cela que
les esclaves finirent par désigner eux-mêmes comme étant un lieu de tango,
l’endroit où ils se trouvaient rassemblés et en quelques sorte mis au secret,
entre eux, et où ils procédaient à quelques rites, avant d’être proposés à la
vente.
Une autre
fait référence à l’un de ces intercesseurs entre le ciel et les hommes que
constituent les “orishas”, selon cette tradition du peuple Yoruba dont la culture
s’est répandue à la faveur de la déportation esclavagiste, tant dans les
Caraïbes, qu’en Amérique du sud.
Le tango
proviendrait ainsi d’un culte rendu à l’orisha qui est celui de la foudre, du
feu, et de la justice, nommé “Shango”, ce qui se trouve prononcé par certains
“Tchango”.
Dans ses
représentations, celui-ci possède comme signe distinctif le fait de porter en
main ou sur la tête comme dans l’illustration, une double hache qui n’est pas
sans rappeler curieusement, la double hache des Francs nommée précisément
“francisque”. Il s’agit de la hache avec laquelle il provoque la foudre et les
éclairs, et en conséquence le feu, en fracassant en quelque sorte la voûte
céleste, et avec laquelle il tranche, en prenant une décision de justice.
Ce qui
plaide en faveur de cette hypothèse, c’est qu’il existe une couleur dite tango,
dont on ignore l’origine de son appellation, et qui est une couleur
rouge-orangé très vif, qui est bien la couleur du feu, et le mouvement de la
danse qui à la base est saccadé, ce qui semble bien vouloir signifier le
mouvement en zigzag de l’éclair...
Dans la
mesure où elle possède à la fois une grande sensualité et une certaine
violence, cette danse pourrait également dériver d’un rite de la fécondité,
mais quoi qu’il en soit, le tango reflète le fait d’une âme noire qui envoute
encore l’Argentine, ce pays qui ne s’est voulu que peuplé de blancs...
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