jeudi 12 janvier 2012

LE PARADOXE FRANCAIS




L’arrivée du Hongrois à la tête de ce pays, a été comme il fallait s’y attendre, de la part de quelqu’un qui, compte tenu d’une sourde frustration quant à des origines, que rappelle par trop son nom, s’est évidemment senti obligé de se monter encore plus gaulois que les gaulois, de l’instauration ici, d’un véritable et totalement anachronique, “racisme d’état”. C’était alors la seule façon pour lui et ses semblables, en montrant du doigt ce qui ne doit pas être français, de tenter de nous convaincre que, quant à eux, ils l’étaient pleinement.

Il s’agit là d’un comportement connu de “positionnement négatif”, lorsque portant des noms aussi exotiques que, Morano, Balkany, Karouchi, Coppélovici, Mariani, Devedjan, et autre Bruni, et combien d’autres encore, il n’est pas possible en déclinant un de ceux-ci de dire, voici ce que je suis, c’est à dire un “Français”, et qu’il convient alors en le fustigeant bruyamment de dire, voici ce que je ne suis pas, c’est à dire un “étranger”.

Bien sûr, il ne faut pas confondre ce racisme que nous pourrions dire, “de nécessité”, avec le racisme profond et viscéral, qui existait déjà bien avant dans ce pays. Il nous faut d’ailleurs reconnaitre au Hongrois, que là où il s’est paradoxalement montré le plus français, dans un sens “étatique” de ce terme, c’est à dire eu égard aux proclamations universalistes de ce pays quant à lui-même, c’est dans le fait que sa mandature aura été, bien plus qu’aucune autre sous la cinquième république, l’occasion d’une représentation au pouvoir, de la diversité de la population française.

Il s’agit en cette représentation de la diversité, de ce que les progressistes ont attendu vainement des décennies durant, d’une gauche française qui, refusant de se voir elle-même totalement imprégnée d’un racisme qu’elle à pour mission sacrée de combattre, a feint tout ce temps, d’en ignorer l’importance, et l’absolue nécessité.

Cependant, bien plus qu’avec leurs noms exotiques, c’est dans l’attitude qui fut celle de ces gens du pouvoir, face à une situation dont ils n’étaient pas au départ responsables, c’est à dire “l’ambiance” malsaine qui règne dans ce pays depuis des décennies, qu’ils ont montré qu’ils n’avaient pas davantage que beaucoup d’autres Français, intégré l’extrême complexité sociale et culturelle de leur pays, héritée de son histoire.

Disons tout de suite qu’il n’existe pas, ou très peu, en France, de ce détestable racisme “biologique”, qui sévit dans la plupart des autres pays, étant bien entendu qu’il s’agit en le racisme, du mal le plus équitablement partagé tout autour de notre planète, parce que tous les peuples quels qu’ils soient, en sont doté d’une bonne dose, quoi qu’ils peuvent prétendre. Car, il existe en ce pays de France, une mixité raciale et plus précisément “conjugale”, comme il n’en existe nulle part ailleurs, pas même en ce Brésil du métissage, où un homme très noir, trouverait difficilement à s’afficher avec une femme très blonde, alors que ceci s’observe tous les jours, dans les rue de Paris.

Ceci est probablement du au fait que depuis que cette nation est passée de l’appellation “royaume des Francs” ( regnum francorum ), selon une référence ethnique, tel que cela demeure le cas pour les Allemands avec leur “Deutschland” (terre des Allemands), à l’appellation “royaume de France” ( regnum Franciae ), la France a cessé d’être le pays d’une race, pour devenir un pays de terroirs.

Il est remarquable à ce sujet, qu’on ne trouve dans les patronymes français, aucun des préfixes et des suffixes qu’on trouve dans les patronymes de tous les autres pays européens, faisant référence à la “lignée”, pour indiquer “fils de”, ou “descendant de”, en précisant ainsi l’ethnie, tels que les suffixes, “son” et “sen”, des anglo-saxons et des scandinaves, les suffixes “sky, ov, et of”, des slaves, le “ini” des Italiens, les “ez, et es”, des Espagnols et des Portugais, et les préfixes “o’, et mac”, des Irlandais et des Ecossais. Rien de tout cela dans les patronymes français, où s’expriment indistinctement des descriptifs personnels, Legrand, Petit, Camus, Chabot, ceux de référence à l’endroit, Dupont, Dubosc, Boussac, Chirac, Cadillac, (nom du Français fondateur de la ville de Detroit, qui fut donné à la marque d’automobile en 1902), et ceux descriptif du métier, Lefèvre, Charon, Bretécher, Parmentier...

Les Français se sachant depuis longtemps, des Bretons jusqu’aux Corses, des Basques aux Chtimis, des Auvergnats aux Alsaciens, un peuple composite, rassemblé par le bellicisme des rois de France, relayé ensuite par celui de la république et de l’empire, leur racisme n’est pas précisément un racisme biologique, même si malgré cela, il s’exprime bel et bien en terme de supériorité raciale. C’est dans une nécessité, et non pas dans une spontanéité, d’affirmer cette supériorité, qu’il faut aller chercher la raison de ce paradoxe français, celui d’une nation tout à la fois, “raciste et universaliste”, ce qui pourrait être résumé par cette formule :

“Nous deviendrons tous frères, dès lors que nous deviendrons tous Français ”.

Il faut reconnaitre que la vocation à ce que nous devenions tous frères, autrement dit, l’universalité, s’y trouve malgré tout exprimée, alors que tel n’a jamais été la préoccupation des Anglais par exemple, et c’est ce qui explique, qu’à l’inverse de ce que fut la colonisation britannique, la française fut profondément “assimilationniste”.


Ainsi, à la prétention “Britain rules the world” (la Grande-Bretagne domine le monde), des Britanniques, et au concept de “nation essentielle” des Américains, où les uns et les autres considèrent que leur vocation logique est de dominer le monde, les Français quant à eux, considéraient que la vocation du monde, était tout simplement d’accéder à leur civilisation.
Il est remarquable que c’est bien elle, et non pas le peuple français, ni la puissance militaire ou économique le France qui se trouve célébrée en “Marianne”, singularité française de “divinisation” d’un système politique.

Loin de l’idée d’une supériorité d’une race des Français, dont personne ne saurait dire ce qu’elle est, comme fut proclamée la supériorité de la race germanique, c’est bien depuis le départ, l’idée d’une supériorité de la civilisation et de la culture françaises, pour un pays qui étant devenu la plus puissante des nations de langue latine, s’est payé ce qu’en leur état, les autres nations ne pouvaient pas faire, c’est à dire un incroyable “hold-up” sur l’histoire, en se proclamant d’une lignée, Athènes, Rome, Paris, qui va justifier la prétention française.

Le coup fut génial, car c’est bien en plantant ses racines jusqu’au cœur de la lointaine antiquité, pour s’en prétendre le dépositaire attitré de l’héritage en la modernité, ce qu’aucune des grandes nations rivales n’a eu le prétexte pour faire, que ce pays est parvenu à accumuler, par l’exploitation de cet héritage, ce patrimoine culturel considérable qui, jusqu'à il y a encore quelques décennies, faisait du “complexe culturel” des autres nations par rapport à la France, et bien avant ses armes, l’élément essentiel de sa puissance diplomatique.

Ceci fut pendant des siècles la cause d’une frustration allemande, pour ceux qui ne pouvaient se trouver comme héritage lointain, que celui de hordes hirsutes du fond des forêts brumeuses de la Germanie, jusqu’à ce que certains parvinrent à leur vendre, que c’est grâce à cet isolement que fut préservée leur pureté, ce qui leur permit alors d’opposer à la prétention de supériorité de la culture française, celle de supériorité de la race germanique.

Il est clair que si monsieur de Villepin n’avait pas été français, aussi “brillantissime” qu’aurait pu être son allocution au conseil de sécurité des Nations-Unies, il n’aurait en rien infléchi la détermination des Américains, d’en faire leur instrument afin de mener leur guerre. Mais ces derniers y ont renoncé, non seulement à cause de la menace brandie d’un humiliant “véto” dirigé contre eux, qu’ils auraient fort bien pu contourner en posant la question devant l’assemblée générale, même si la procédure est plus complexe, et de fait, moins rapide, mais parce que justement, ils comprenaient bien que, même si c’est sans l’avis et sans l’accord de ces derniers, ce monsieur de Villepin représentait d’une certaine façon, au delà de la France, la parole et le sentiment de centaines de millions d’Africains francophone.

Ils ont bien vite pris la mesure de cette situation lorsqu’après avoir dépêché en Afrique pour l’occasion, leur emblématique ministre noir des affaires étrangère monsieur Colin Powel, cet ancien patron adulé de l’armée américaine, alors que dans le même temps, les britanniques dépêchaient une femme noire elle aussi, tout cela pour le meilleur effet auprès des Africains, l’arrivée chez ces nègres d’un aristocrate tout ce qu’il y a de plus blanc, envoyé par l’ancienne puissance coloniale pourtant contestée, ne leur laissait aucune chance selon les chancelleries.

Comprendre cela, c’est comprendre que les liens de la culture, qui sont des liens dus au seul fait du partage d’une même langue, tels que ceux qui unissent les Etats-Unis à la Grande Bretagne, et qui se passent donc de quelque entretien affectif, se révèlent plus solides que ceux de la nature, tels que les liens de l’identité raciale, et que c’est bien par la culture française que ces Américains furent vaincus. C’est cette même liaison culturelle qui fait que, paradoxalement, les plus farouches opposants au colonialisme français, les Fanon et autres Césaire, furent parmi les plus magnifiques représentants du meilleur d’une culture française, dont ils étaient profondément imprégnés, renforçant ainsi malgré eux, son prestige.

Observons que d’une façon imprévue, c’est cette culture qui a fait sa toute puissance, qui pose aujourd’hui à la France, le plus redoutable de ses problèmes. Ceci, par delà toutes les questions économiques dont certains, en prétendant le modèle anglo-saxon applicable simplement comme tel, partout, veulent oublier qu’elles ne peuvent véritablement trouver de règlement, que dans un cadre culturel spécifique. Ce problème tient dans le fait que :

“lorsque vous vous répandez chez les autres, afin d’y assoir votre suprématie, et si vous les contraignez pour cela, à se faire d’une partie de vous, c’est alors que ceux-là vous possèdent en partie, et dès lors, il ne vous sera plus jamais possible d’atteindre votre plénitude sans eux.”

Telle est la mésaventure qui est arrivée à ce pays de France, cette nation orgueilleuse et volontiers méprisante, qui a tant proclamé sans l’ombre d’un doute, sa supériorité nominale sur les peuples qu’elle soumettait, et qui de ce fait n’a jusqu’à ce jour pas pris conscience, que rien de sa toute puissance, ni de sa magnificence, n’aurait été sans tous ces peuples s’étant fait d’elle, et dont elle se trouve aujourd’hui “infirme”. Elle aurait tout au plus été comme l’Allemagne, qui malgré sa grande puissance, et bien qu’elle fut au centre de deux conflits mondiaux, n’aura jamais influencé l’histoire de ce monde, comme le firent Anglais, Français, Espagnol, et Portugais, puissances que l’Atlantique vouait naturellement à se porter au-delà de lui.

Ainsi, après avoir acquis une dimension hexagonale, et en même temps européenne, ce pays avait acquis par ses explorateurs, ses militaires, ses missionnaires et ses administrateurs, une dimension impériale, dans le même temps que ses intellectuels établissaient sa vocation universelle. Et c’est selon ces quatre dimensions, que certains mal inspirés, se félicitent de réduire aujourd’hui à une seule d’entre elles, hexagonale pour les uns, européenne pour les autres, qu’il se trouvait dans sa plénitude, au fait de sa puissance.

Cependant, il est clair que dans l’ambition que nous devenions tous frères, les porteurs de cette civilisation à prétention universelle, entendaient bien y être plus frères que les autres, et ce, au nom d’une supériorité culturelle identifiable à leur race, et c’est ainsi que ce refus d’envisager l’égalité, autrement que simplement inscrite sur le fronton des mairies, va conduire après deux redoutables conflits, à la destruction de l’empire.

La grande nation orgueilleuse va donc passer en l’espace de seulement une vingtaine d’années, de 1940 à 1960, du statut de grande puissance impériale victorieuse, telle qu’elle était au sortir de la guerre en 1918, à celui de petite province européenne, vaincue, puisqu’elle le fut en 1940, même si le secours de l’empire à permis de sauver les apparences, en 1945 !

Et durant toute cette dégringolade, le mépris de ces gens persuadés que la grandeur de l’empire ne le devant qu’à leur supériorité, elle ne manquerait pas de se manifester encore, malgré sa perte, n’ont pas compris que c’est de larges parties de l’âme même de la nation, dont la perte la priverait définitivement de plénitude, qui étaient ainsi abandonnées, perdues, au-delà des mers.
C’est ce même mépris des peuples anciennement soumis, par un racisme aux aspects d’autant plus sordides, qu’il est devenu étatique, et la pratique courante de tout l’appareil administratif, policier, et judiciaire du pays, qui le rend aveugle aux évidences d’aujourd’hui, à savoir que ce n’est que par la venue de force vives, provenant de l’ancien empire, que son économie anémiée pourra retrouver quelques couleurs, et surtout, qu’il pourra être sauvé de son naufrage démographique, qui se trouve à la base de sa défaite économique.

Il est clair à ce sujet, que pas une seule des grandes métropoles, n’a survécu à la perte de son empire, et que ce ne sont que leur “fantômes”, qui se débattent actuellement, dans des problèmes économiques et financiers, sans solution.

Il doit être clair aujourd’hui pour tous que dans sa plénitude, ce qu’est la France ne tient pas à l’intérieur de confetti hexagonal, qu’il lui faut beaucoup plus d’espace pour s’exprimer, et que pour atteindre cette plénitude, il lui importe de rentrer à nouveau en possession des larges parties d’elles, captives en des contrées lointaines.

Le paradoxe français, c’est donc celui d’une nation qui n’a que du mépris, pour les hommes et les nations sans lesquels, elle ne peut plus prétendre, ni à l’universalité, ni à la puissance, ni à la grandeur, ni même à la simple sérénité, et certainement pas à sa plénitude.

Cependant, un sentiment confus que quelque chose à soi se trouve là bas, oriente en permanence son regard vers le Sud. Tout le monde en France saura vous dire le nom du président du Congo, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, de l’Algérie, mais personne ne saura vous dire le nom d’un premier ministre hollandais, danois, ou finlandais.

Après avoir pensé qu’un leadership dans la construction européenne, allait constituer une occasion de renouer avec la grandeur, les Français ont vite déchanté, en constatant que même dans des institutions européennes pourtant installées dans trois villes francophones, leur langue ne cessait d’essuyer des défaites face à l’anglais, et que cette Europe, n’était pas le lieu favorable à l’expression de leur culture, donc de leur supériorité, et le pire danger qui les guette aujourd’hui, c’est d’y être marginalisés.

En effet, l’ironie du sort c’est qu’à ce jour, la langue française est déjà devenue pour l’essentiel de ses locuteurs de par le monde, une “langue de nègres”, et il est prévisible, qu’avec plusieurs centaines de millions d’Africains francophones, l’essentiel de la culture francophone, englobant bien sûr toute la culture française, sera africain.

Le plus grand pays francophone du monde, tant par la superficie que par la population, c’est le Congo, avec ses 72 millions d’habitants. La plus grande ville francophone du monde, c’est Kinshasa, avec près de 15 millions d’habitants, soit une fois et demi, Paris et toute sa banlieue...!

S’il doit donc fleurir une brillante culture française dans le monde de demain, celle-ci sera africaine, ce qui ajouté au fait que l’essentiel des approvisionnements en matières premières de la France, provient d’Afrique, l’avenir de la France, qu’on ne saurait imaginer survivre en étant marginalisée dans sa propre culture, se trouve en Afrique, de sorte que le temps travail secrètement, à une inversion inévitable du rapport de force, qui se fera tôt ou tard au bénéfice des Africains. Lorsque ceux-ci auront édifié de brillantes universités, et ils le feront c’est sûr, c’est bel et bien vers elles que les étudiants français devront à leur tour se rendre, et souhaitons pour eux, qu’ils n’aient pas alors à faire face, à une rancune africaine.

Tout ceci pour dire que l’hystérie raciste qui se développe en ce moment en France, n’est absolument pas la meilleure façon de préparer l’avenir forcément africain, de la France...

Paris, le 11 janvier 2012
Richard Pulvar