mercredi 23 mai 2012

SEPT MILLIARDS D’HOMMES TOUT AUTOUR DE NOTRE TERRE, ET TOUT DE JOUE AUTOUR DE CETTE SIMPLE TABLE




Observez, nous sommes là, à la table des puissants de ce monde, et cette atmosphère feutrée, devrait plutôt nous rassurer, car elle est certainement de nature à favoriser la sérénité et la familiarité nécessaires, pour inspirer de la sagesse quant aux décisions devant être prises. Car c’est bien là, dans une telle intimité, permettant les audaces, parce que sans témoins, et à l’abri des indiscrétions, et non pas dans les grandes messes de ces impressionnants congrès, qu’alors, les yeux dans les yeux, se prennent les réelles décisions, parfois les plus graves, dont hors de toute trace écrite, les accords se trouvent scellés par de simples poignées de mains.

Cette poignée d’homme et une femme, peuvent prendre de réelles décisions, parce que justement ils ne sont qu’une poignée, et c’est précisément selon cette volonté de créer un cadre restrictif permettant de fermement décider et d’agir, ce que, l’expérience le montre bien, le grand nombre ne permet pas, que ce qui fut d’abord le G7, autrement dit le groupement des sept premières puissances économiques du monde, élargi ensuite en G8, avec l’entrée de la Russie d’après la chute de l’empire soviétique, à été créé.

Cependant, en observant cette table, en plus du fait qu’il ne s’y trouve qu’une femme, il est remarquable que un milliard d’hommes sur tout un continent, l’Afrique, n’y possède pas le moindre représentant, pas davantage que plus d’un milliard d’autres, en Inde, ni un milliard et demi d’autres encore, en Chine, et si le hasard n’avait pas voulu qu’un nègre se trouve président des Etat Unis, il ne s’y serait pas trouvé un seul, alors qu’il se trouve au moins ici, un japonais, pour représenter les peuples asiatiques.

Nous sommes ici dans le cas paradoxal, d’absences qui pèsent très lourdement...

Bien sûr, le fait de prodigieux pays dits “émergents”, parmi lesquels celui qui est entre temps devenu rien de moins, que la deuxième puissance économique mondiale, c’est à dire la Chine, désireux d’avoir eux aussi leur mot à dire quant à la conduite des affaires de ce monde, va conduire à la création d’un G20, plus représentatif de notre humanité.

Cependant, par son plus grand nombre, et surtout, par la bien plus grande diversité de pays décideurs, selon des intérêts qui bien souvent s’opposent, cette autre structure, se trouve fatalement moins porteuse de décisions importantes, que la première.

C’est ce qui explique que s’est finalement créé, face à ce G8 qui ne concerne que l’un d’eux, à savoir la Russie, et en marge d’un G20 manquant d’efficacité, un groupe de pays dits du “BRICS”, regroupant alors le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, et plus récemment, l’Afrique du sud.

Par le nombre réduit de pays qu’il rassemble, devenus très puissants économiquement, et qui possèdent par le fait des intérêts convergents, ce groupe parvient ainsi à prendre des décisions importantes, dont la plus spectaculaire et celle qui est le plus de nature à bouleverser les façons des pays du monde entier, c’est de se passer désormais de la monnaie américaine, le dollar, de s’en passer pour l’instant, comme monnaie pour le règlement de leurs échanges. Mais, nous comprenons bien qu’à terme, ceci signifie de se passer fatalement du dollar, même comme monnaie de réserve, alors que les énormes liquidités libellées en cette monnaie, et qui ont tant favorisé l’économie du pays émetteur, les Etats Unis d’Amérique, sont en principe faites, depuis les accords de Brettons Woods ayant établi le “gold exchange standard”, autrement dit, “l’étalon de change équivalent à de l’or”, pour financer l’économie mondiale.

Nous constatons ainsi qu’un groupe de huit pays d’un coté, le G8, et un groupe de cinq pays de l’autre, le Brics, regroupant finalement, seulement une douzaine de pays, puisque la Russie appartient aux deux groupes, et ceci, sur près de deux cents nations qui actuellement, siègent à l’Organisation des Nations Unies, décident de l’essentiel de ce qui présidera à la destinées de toutes les nations de ce monde.

Quant aux décisions prises par les représentants de ces pays au sein de leurs groupes, elles ne font l’objet d’aucun mandat spécifique délivré par leurs peuples, et relèvent d’un arbitraire d’usage, lié à leur fonction de dirigeants, auxquels nous reconnaissons confusément, pour des raisons pratiques évidentes, un droit d’initiatives pouvant être prises malgré tout, sans quelque consultation préalable du peuple, et curieusement, au nom même de celui-ci.

C’est ainsi que notre actuel président, s’en est allé au G8, puis auprès de cette autre instance internationale que constitue l’Otan, pour “décider”, alors même que la nouvelle assemblée censée contrôler l’action gouvernementale, n’a même pas encore été élue, et qu’aucune déclaration de politique générale n’a encore été faite par le premier ministre, devant celle-ci, afin d’une approbation de sa politique par les représentants du peuple.

Ceci étant, qu’en est-il alors des choix, des préférences, des propositions, des refus, des attentes, des exigences, et des espérances, formulées par des centaines et des centaines de millions d’hommes, tout autour de cette planète, à l’occasion de ces vastes consultations, désormais ritualisées, des grandes messes démocratiques, en remplissant de leurs volontés diverses, des urnes sacrées, et en ne doutant pas ainsi, qu’au moins pour une majorité d’entre eux, ces volontés trouveront la voie de leur réalisation ?

Comment, et par quel cheminement, une telle diversité des visions de ce que doit être pour chacun, la façon de vivre sur cette Terre, une telle diversité des besoins des différents peuples, selon la nature du lieu où il se trouvent, et selon leurs cultures, avec de telles divergences d’intérêts, pourraient-elles remonter jusqu’à la poignée de décideurs, pour trouver par eux, leur expression, leur défense, et leur promotion, à l’heure du débat...?

Il est clair qu’il n’en est rien, et qu’il n’a pas été dans la préoccupation des fondateurs de ces groupes de puissants, de faire en sorte que, puisqu’ils décident malgré ceux-ci, du sort de bien d’autres peuples, une procédure permette que ces peuples qui ne sont pas conviés, parce qu’ils n’ont pas de poids, et qui sont par le fait rendus sans voix, puissent au moins être vus, à défaut d’être entendus, et c’est sur l’initiative personnelle du président Obama, que quelques représentants africains ont été conviés à certaines discussions, en aparté du sommet.

D’ailleurs, même lorsque ces peuples sans poids se trouvent conviés au débat, comme c’est le cas dans cette Organisation des Nations Unies, ils ne servent finalement que de caution démocratique et de faire valoir, au tout puissant groupe très restreint, que constituent, les cinq membres permanents du conseil de sécurité, qui sont les véritables “patrons” de l’organisation, et qui d’ailleurs appartiennent parallèlement, au G8, pour quatre d’entre eux, et au Brics, pour deux d’entre eux.

Ceci s’est parfaitement illustré avec cette question de l’adhésion de la Palestine, comme état membre à part entière de l’organisation, qui recueille l’adhésion des trois quarts des membres, mais à laquelle s’oppose obstinément, un seul membre permanent du conseil. Les voies faisant appel directement à l’assemblée générale, pour alors contourner cet obstacle totalement antidémocratique, sont complexes et longues, et ont très peu de chance d’aboutir.

En fait, comprenons pour ce qu’il en est, que c’est finalement l’homme “le plus fort”, d’un courant de pensée qui, dans son parti, est “le plus fort”, sans pour autant être majoritaire, lequel parti dans son pays, est “le plus fort”, sans pour cela jamais être strictement majoritaire, qui rejoint ses pairs issus des pays “les plus forts”, au sein de communautés d’états où ils ne sont selon ce critère, logiquement pas majoritaires, et qui fini par accéder à ce club très fermé, des puissants de ce monde.

Ceci signifie clairement que l’accès en situation de prendre les décisions, se fait tout simplement et comme depuis toujours, selon la voie “des plus forts”, et certainement pas, tel que nous en conservons encore “l’illusion”, selon celle des plus nombreux, et ceci, pour un exercice du pouvoir qui, selon son imposition à nous devient alors, la “loi des plus forts”...!

Il nous faut aujourd’hui avoir le courage, et la plus grande honnêteté intellectuelle, pour ne pas continuer à nous mentir encore à nous mêmes, et constater enfin ce qui devient maintenant une évidence, à savoir qu’au bout de deux siècles et demi de luttes acharnées, de sacrifices, et d’engagements passionnés, pour la faire triompher, nous assistons à la défaite spectaculaire, inattendue, mais cependant, techniquement logique, de “l’idée démocratique”.

Ceci, à cause de la “faiblesse opérationnelle” de la démocratie, qui était déjà connue dans l’antiquité, puisque sous la république romaine, lorsque les affaires du pays allaient mal, on nommait un “dictateur”, pour une durée de un an seulement, afin que sous son autorité sans faille, le pays puisse se sortir de la difficulté...

Nous pouvons formuler cela en disant ainsi que :

“Tel qu’il se constitue, par la soumission du nombre, le pouvoir ne se partage pas.”

Il est remarquable en effet, que le pouvoir procède du rassemblement du nombre, sous une autorité unique, qu’elle soit alors physique, institutionnelle, ou morale, mais que c’est bien par un maintien autoritaire de cette unité, qu’il se pérennise, et que tout partage du pouvoir, confine à une négation de celui-ci.

C’est ce que nous avons vécu sous la quatrième république, dans laquelle l’option démocratique de constitution de l’assemblée à la proportionnelle, à réduit cette république à l’état d’impuissance permanente.

Il a fallu l’arrivée d’une cinquième république, avec l’usage, très astucieux il faut bien le dire, de cet énorme mensonge antidémocratique que constitue le scrutin d’arrondissement, permettant à ceux qui sont de fait les plus forts, simplement parce que les moins minoritaires, mais pas strictement majoritaires, de bénéficier cependant d’une “représentation” majoritaire, pour que puisse être restauré du pouvoir, tout en satisfaisant à l’illusion démocratique. Ceci, en permettant à ces plus forts, d’obtenir plus de cinquante pour cent des sièges à l’assemblée, en n’ayant pourtant rassemblé sur leur nom, que trente pour cent des suffrages.

Ce système qui a permis de maquiller la loi du plus fort, en expression démocratique, perdure jusqu’à aujourd’hui.

Toute la puissance de l’illusion démocratique réside dans le fait que, parce qu’ils participent effectivement à la constitution du pouvoir, par leur bulletins de vote et leur suffrages rassemblé sur le nom d’un candidat, les citoyens sont persuadés qu’ils participent par cela même, à l’exercice de ce pouvoir, et à celui des décisions qui lui est lié.

Mais il n’en est rien, et leur erreur vient d’une totale confusion entre la “constitution” du pouvoir, et “l’exercice” de celui-ci, qui demeure l’apanage exclusif de celui sur le nom duquel ce pouvoir s’est trouvé constitué, et qui se déliterait s’il devait être partagé...

Bien sûr, l’immense avantage de ce système, par rapport à l’ancien régime, c’est que la constitution du pouvoir consacrant “le plus fort”, s’opère par la voie paisible des urnes, au lieu de résulter d’une acquisition au fil de l’épée, comme cela se faisait auparavant. Mais il est clair que la création d’institutions telles que l’E.N.A. par exemple, n’avait pour finalité que de recréer une nouvelle aristocratie, républicaine celle-là, laquelle n’a d’ailleurs pas tardé à se montrer aussi abusive que l’ancienne, pour établir les rouages du pouvoir, selon un exercice de celui-ci, par les plus forts.

Notre difficulté d’aujourd’hui, vient du fait que la prétention démocratique pouvait encore faire illusion, dans le cadre relativement restreint des nations, car l’exercice du pouvoir par les plus forts, demeurait malgré tout celui de nationaux, établis comme tels par les citoyens. Mais aujourd’hui, le phénomène de “mondialisation”, révèle de façon criarde, tel que nous le voyons dans le cas de pays martyrisés comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal, et bien sûr tous les pays faibles du sud, dont c’est déjà le lot depuis bien des années, et auxquels on impose leur “tyrans”, que les décisions les plus déterminantes quant à notre façon de vivre, sont prises par des gens, le plus souvent même, des anonymes, auxquels nous n’avons délégué aucun pouvoir, ni formulé aucune demande. Nous ne le connaissons en effet, ni d’Eve ni d’Adam, et nous ne disposons contre leur action, d’aucun recours, sinon la révolte...

Soyons alors bien attentifs au fait que si malgré notre mauvaise humeur, et tous ces mouvements d’indignés matraqués sans égard tout autour de la Terre, sans que rien n’y fasse, ces puissants s’imposent malgré tout à nous, c’est simplement parce que c’est nous-mêmes qui, sans en prendre conscience, constituons par nos comportements malheureux, leur grand pouvoir...

En effet, et contrairement à ce que proclament à loisir certains, le phénomène de mondialisation ne résulte nullement d’un quelconque “complot” de puissants contre nous, même si d’évidence, nombre de profiteurs, d’exploiteurs, et des mafias de toutes sortes, l’exploitent autant qu’ils le peuvent, d’une façon “opportuniste”, comme les virus qui s’en donnent à cœur joie, contre un organisme déjà affaibli.

En réalité, ce phénomène résulte “mécaniquement”, d’un enchainement logique de faits, résultant tous plus ou moins directement, de la demande constante et totalement irresponsable, de toujours plus de consommation, de la part des peuples occidentaux, et d’autres qui aujourd’hui, empruntent la même voie.

Dans ces conditions, il fallait bien s’attendre à ce que des manipulateurs ne cessent de tendre la bouteille aux alcooliques qu’il entendaient soumettre à leur volonté, pour pouvoir les dépouiller, tels que ces banquiers qui aux Etats Unis, n’ont cessé d’encourager les gens à s’endetter, pour pouvoir consommer toujours plus, avec des contrats à taux variables, qui ne leur laissaient aucune chance de s’en sortir, en cas du moindre pépin.

C’est en effet la volonté de gains de productivité, afin de dégager des marges, pour pouvoir donner un peu plus de salaires, beaucoup plus de dividendes, et contribuer davantage, ou s’en soustraire carrément, à la charge croissante des états, tout comme pour obtenir des produits les moins chers, pour pouvoir faire face à la redoutable concurrence internationale, qui va conduire logiquement aux licenciements massifs, aux fermetures d’usines, aux délocalisations, aux déréglementations, et à la suppression totale de la protection, des production nationales, et des producteurs nationaux.

C’est l’extrême rigueur que ce système impose à tous, dans une concurrence furieuse entre les individus et entre les nations, qui, exigeant l’extrême efficacité des entreprises, des institutions financières, des états, et des instances internationales, constitue la faveur des puissants, devenant des “prédateurs” qui opèrent dans des structures restreintes et fermées, seule capables de décision et d’action...

Ceci étant, nous ne pouvons pas manquer de comprendre que selon la logique des choses, la mondialisation qui va faire voltiger ces dernières protections que constituaient les cadres étatiques des nations, ne peut logiquement confiner, qu’au “totalitarisme”, sauf s’il devait se produire une révolution universelle, proclamant les droits de “citoyens du monde”, selon une constitution universelle, mais là, il s’agit d’une toute autre affaire...



Paris, le 22 mai 2012
Richard Pulvar