mercredi 15 août 2012

FACE A L’EMPIRE MORIBOND, L’ANEANTIR, OU LE RETABLIR ?



Sur la carte ci-dessus, sont représentés en vert foncé, le premier empire colonial français, qui fut perdu tout d’abord par les déboires de la guerre de sept ans, mais surtout par le manque total de vison d’avenir et donc d’intérêt pour ces terres, de Louis XV, Louis XVI, et Napoléon, et en vert clair, le second empire colonial qui quant à lui, n’a pu se maintenir que dans cette forme moribonde de lui qu’on appelle désormais, la “Françafrique”.

Le premier était constitué par d’immenses territoires d’Amérique du nord, une grande partie du Canada, et près de la moitié des Etats Unis actuels. Ceci, grâce à l’action des premiers explorateurs et colons français tel que Cartier, Champlain, Cavelier de la Salle, et d’autres. Ils se situaient alors dans le sillage de Verrazano, ce navigateur italien que François premier, contestant le traité de Tordesillas par lequel, sous l’autorité du pape, Espagnols et Portugais s’étaient partagé les terres déjà découvertes et à découvrir aux Amériques, envoya en mission pour découvrir des terres au bénéfice de la France. Verrazano sera ainsi le premier à découvrir l’embouchure de l’Hudson, sur les bords de laquelle va s’édifier la future Nouvelle Amsterdam, qui deviendra encore plus tard la ville de New York. C’est pourquoi son nom sera donné au pont impressionnant qui à New York, franchi actuellement ce fleuve.

Il faut rappeler à ce sujet que les explorateurs et colons français sont parvenus en ces endroits plus d’un siècle avant les colons britanniques, mais pour des gens comme Louis XV, il ne s’agissait en ces terres lointaines du Canada que de “quelques arpents de neige”, et la métropole ne se donnera jamais les moyens de protéger son empire qui tombera presque d’un coup, sous la coupe des Anglais.

S’ajoutait à cet empire, l’ile de Saint Domingue, la plupart des petites Antilles, bien avant que les Anglais ne s’emparent de certaines, et près d’un tiers de l’Inde où là encore, les Français y sont parvenus avant les Anglais, mais n’ont pas su d’avantage qu’aux Amériques, défendre leurs possessions.

Le second empire colonial était plus essentiellement africain, mais encore plus étendu que le premier. Qu’on y songe bien, il était absolument gigantesque et s’étendait à son apogée en 1939, sur rien de moins que 13 500 000 km², soit vingt cinq fois la France, plus de trois fois la totalité de l’Union Européenne, et plus d’une fois et demi les Etats Unis d’Amérique...!

En fait, il n’y eut guère de plus étendu que lui tout au long de l’histoire, que l’empire britannique, et l’empire russe, et s’il s’était maintenu, il serait fort aujourd’hui de 400 à 500 millions d’hommes, et c’est toute la situation actuelle de la France qui en aurait été modifiée !

Dans les causes multiples de la chute de cet empire, il y eut pour les plus importantes, tout d’abord la défaite humiliante en 1940, de la France face à l’Allemagne, qui allait briser l’image de toute puissance de l’orgueilleuse métropole. Elle allait aussi être l’occasion de la prise de fonction dans les colonies, de gouverneurs aux idées pétainistes et de fait totalement rejetés par les “indigènes”, d’une inversion des rôles où c’était l’empire qui désormais, allait se porter au secours de la métropole, et également, de l’abandon total par cette métropole, des colonies lointaines de l’Indochine dans les mains d’un redoutable occupant japonais. C’est d’ailleurs de ces dernières que viendront les premières luttes de contestation de la prétention tutélaire d’une métropole, qui avait totalement manqué à sa charge protectrice, luttes dont la répression stupide entrainera la première guerre de libération qui, perdue par la métropole, sera le prélude à la destruction de l’empire...

Mais, la raison la plus fondamentale de la chute de l’empire, fut le refus stupide et borné de la métropole, sous l’influence des racistes et des colons, d’accorder enfin l’égalité des droits aux colonisés pour en faire des citoyens à part entière, cette métropole craignant de voir par le jeu démocratique, l’un d’eux se hisser aux plus hautes responsabilités de l’empire. Ceci, alors même qu’elle ne devait justement qu’à ces colonisés venus à son secours, en constituant après la défaite l’essentiel de son armée demeurée au combat, d’avoir pu s’assoir à la table des vainqueurs aux cotés de ses autres libérateurs, et se maintenir ainsi dans son statut de grande puissance. En refusant de la sorte, non seulement de se conformer une bonne fois à son discours humaniste de liberté, d’égalité, et de fraternité, mais de plus, d’honorer le prix du sang versés par les colonisés pour son salut, elle se condamnait.

A aucun moment et nulle part dans l’empire, l’indépendance n’a été réclamée pour elle-même par les colonisés. Elle n’a été exigée par ceux-là, que comme unique façon, face au refus obstiné et malhonnête de l’égalité des droits, de se soustraire à la condition humiliante et pénalisante de citoyens de seconde catégorie. Et c’est bien parce que cette égalité des droits fut exigée et curieusement, obtenue par les Antillais, dont l’histoire il est vrai est sensiblement différente de celle des autres colonisés, puisqu’ils ne l’ont au sens stricte du terme jamais été, que ceux-ci sont demeurés français jusqu’à aujourd’hui...

Du point de vue de la France, les choses sont bien claires.

La crise économique et monétaire européenne vient en effet de montrer d’une part, toute la limite de la positivité de cette construction, qui a garanti à ces nations des années de paix et de prospérité, mais qui risque tout aussi certainement de toutes les plonger dans le même désastre, sans plus qu’aucune ne puisse jouer une carte nationale, pour espérer en sortir. Dans ces conditions, la France apparait comme condamnée à être réduite au rang de simple province européenne parmi les autres, et si en tant que nation initiatrice et fondatrice de l’union européenne, et deuxième puissance économique de celle-ci, son influence y demeure très grande, il ne s’agit pas en cette union européenne technocratique, mais politiquement et diplomatiquement inexistante, d’un espace possible de sa réalisation et de son affirmation. Ceci, d’autant que c’est désormais l’Allemagne qui par sa puissance économique, y détient le véritable leadership.

Ainsi, l’intégration graduelle de la France dans une union européenne qu’elle ne peut plus dominer comme par le passé pour se la rendre familière, et par laquelle elle se trouve soumise à des lois et des règlements que souvent ses citoyens réprouvent, la condamne-t-elle à voir son identité nationale diluée, dans la construction d’une identité européenne artificielle, et de fait fatalement incertaine.

Car par définition, il n’existe bien sûr pas d’identité supranationale, et une identité européenne ne pourrait valoir que si cette Europe constituait une seule et même nation. Or, les trois éléments principaux d’une identité nationale sont, l’appartenance sous une même autorité, à un même territoire, le partage d’une même langue, et celui d’une même croyance. Mais, si l’espace Schengen, peut donner l’illusion de continuité territoriale, cette étendue n’est pas soumise à une seule et même autorité, et d’autre part, il n’existe ni une langue, ni une croyance européenne, mais une pluralité diverse de celles-ci.

Les Américains qui ont du faire face à la même difficulté, c’est à dire la très grande diversité de leur population, ont non seulement subordonné pour les choses essentielles, l’autorité des différents états à une autorité fédérale, mais ils ont de plus mené des décennies durant, une guerre impitoyable contre les minorités linguistiques, pour faire de la langue anglaise, le lien principal et identitaire entre les citoyens américains. En ce sens, ils n’ont pas fait autrement que les Romains, avec le Latin.

Croire qu’à l’instar des Etats Unis d’Amérique, il pourrait se constituer des Etats Unis d’Europe, avec la diversité actuelle des nations européennes, n’est qu’une douce illusion, et la crise actuelle à l’occasion de laquelle les gens de l’Europe du nord ont exprimé sans la moindre précaution, tout le mépris dans lequel ils tenaient ceux de l’Europe du sud, montre qu’il n’existe précisément pas, hors de la notion de race, d’identité européenne. Ceci signifie qu’il n’existe pas d’autre caractère qui leur étant commun, serait spécifique à ces européens et en lequel ils se reconnaitraient tous. En tout état de cause, se dire “Européen”, revient tout simplement à se dire “homme blanc”. Car ce qui jusqu’alors faisait une véritable spécificité européenne, c’est à dire le caractère bien plus développé qu’ailleurs des nations européennes, avec leur fantastique héritage culturel, se trouve infirmé jour après jour par les succès des pays dit émergents, et avant très peu, l’Europe n’apparaitra plus comme ce lieu exceptionnel du développement de la civilisation, et sera privée pour les siens de ce caractère identitaire.

Ce n’est qu’à la faveur de l’impasse économique dans laquelle se trouve l’Europe, laquelle a révélé l’impuissance individuelle des nations, que par delà la mouvance d’extrême droite ou cette intégration a toujours été combattue au nom de l’identité nationale, de nombreux Français ont soudainement pris conscience que l’avenir de l’Europe se paierait fatalement, au prix d’une disparition graduelle de ce qui constitue strictement la spécificité Française. Ceci, à l’heure où l’usage de la langue française se trouve de plus en plus contesté, même au sein d’institutions européennes pourtant sises dans des villes francophones.

Cependant, ce danger de disparition de l’identité française, par une dilution de celle-ci consécutive à l’intégration du pays dans une Europe désormais sous domination allemande, et par une marginalisation grandissante de l’influence la France dans le reste du monde qui dans une large mesure, demeure sous une domination anglo-saxonne, a été parfaitement compris par certaines élites française. Celles-ci sont conscientes que la situation actuelle de la France dans le monde, laquelle demeure malgré tout exceptionnelle, tant sur le plan économique comme cinquième puissance mondiale, que sur le plan culturel avec la francophonie, de même que sur le plan diplomatique avec la possession si jalousée, d’un siège de membre permanent au conseil de sécurité, n’est qu’un héritage issu de sa toute puissance impériale.

Ceux qui s’intéressent à cette question comprennent que la France n’a évidemment aucune chance de pouvoir renouer un jour avec les fastes, la magnificence, et les avantages considérables liés à sa grandeur passée, sans l’empire qui l’avait rendu encore plus puissante, avant la révolution, et qui a continué jusqu’à en faire à l’aube de la première guerre mondiale, le pays le plus riche du monde, et un des plus puissants. Mais ils savent surtout, qu’elle n’a aucune chance de pouvoir se maintenir même au niveau actuel, sans ce même empire pourtant devenu depuis, moribond, qui s’est maintenu malgré tout, mais qui n’ose plus dire son nom.

La difficulté c’est que ces questions quant au devenir et à la grandeur de la France, ne font plus du tout recette auprès des Français eux-mêmes, qui semblent avoir par rapport à leurs vaillants ancêtres, la même distance qu’ont les Egyptiens, les Athéniens, et les Romains d’aujourd’hui, par rapport à Ramsès, Périclès, ou Cicéron. Désormais seul l’immédiat compte, c’est à dire de quoi sera faite la fin du mois...

Les élites elles, ont décidé que pour sauvegarder les intérêts supérieurs de la nation, même si tout cela devait se faire par la brutalité, l’illégalité, et le crime, il fallait se garantir de pouvoir exploiter les ressources et les hommes de l’empire, en leur concédant afin de leur fierté et en les renvoyant à eux-mêmes en cas de difficultés, les apparences de l’indépendance. Et de fait, depuis plus de soixante ans, alors même qu’il n’y eut pas moins de quarante interventions militaires de la part de la métropole sur leur continent, afin de la préservation de ses intérêts, et alors que ceux-ci n’ont même pas l’autorité sur l’émission de la monnaie qu’ils utilisent, les Africains de l’ex-empire colonial français, croient encore fermement qu’ils sont devenus un jour, indépendants.

En réalité, l’empire n’a jamais été totalement détruit, il a survécu, mais dans la forme minable, indécente et criminelle que nous lui connaissons aujourd’hui où, tant du coté de la métropole que du coté des colonies, ce sont des associations de malfaiteurs qui constituent son aristocratie. Le pire c’est que toute cette malfaisance a été révélée, exposée, explicitée avec de nombreux témoignages de la part des acteurs eux-mêmes des faits, dans une récente série télévisée, sans provoquer le moindre mouvement d’indignation, ni en France, ni en Afrique.

C’est justement dans cette attitude surprenante qu’il nous faut comprendre la fatalité de la “Françafrique“, c’est à dire de l’empire colonial français déchu, gangrené, et gangstérisé, lieu de tous les coups fourrés, de toutes les malhonnêtetés, de tous les crimes et de tous les abus, que tout le monde proclame condamner et se dit prêt à y renoncer, mais qui cependant se maintien, tout simplement parce que rien ne le remplace et ne peut le remplacer, les nations africaines étant censées être indépendantes.

C’est devenu aujourd’hui un amusement de constater que depuis quarante ans, à la veille de leur élection, tous les candidats au fauteuil élyséen jurent autant qu’ils le peuvent, qu’ils mettront fin à cette comédie, et de constater sans surprise, qu’au lendemain même de cette élection, les tout premiers invités au Palais, bien avant les puissants de ce monde, ne sont rien d’autre que les “barons“ de la Françafrique. Ceux-ci viennent prendre contact avec le nouveau “boss”, rôle logiquement dévolu au président de la république française, dont par leur financement à l’aide des désormais célèbres rétro commissions, ils ont permis l’élection. En recevant ainsi en grandes pompes le président du Gabon que quelques années plus tôt, en échange de facilités à venir, les services secrets français avaient installé dans son fauteuil, le nouveau locataire du Palais n’a nullement fait injure à la grande “tradition”, et les affaires continuent...

Il n’y a pas un homme de bonne fois qui ne comprend qu’il faut en finir avec ce système qui a fait le malheur des deux parties. En effet, si dégagés des a priori racistes, et en ayant le sens du partenariat, au lieu de ne penser qu’à piller purement et simplement les richesses des anciennes colonies, les responsables français avaient joué la carte du développement, les nations africaines devenues riches et prospères, auraient constitué une vaste clientèle pour les produits français, ce qui aujourd’hui rapporterait bien plus que le pillage, et aurait maintenu à un très haut niveau, l’appareil productif français et les emplois dans ce pays. C’est d’ailleurs exactement ce à quoi s’emploient actuellement les Chinois. Ils participent à grands frais et pour leur intérêt, au développement de l’Afrique, avec un succès tel que dans plusieurs pays de l’ancien empire, ils ont déjà supplanté les Français comme principal partenaire économique.

Pourquoi alors la Françafrique perdure-t-elle ?

Parce que ses opposants ne veulent rien d’autre que l’anéantir, et ne la remplacer par rien. Or, l’interpénétration entre ces deux parties du monde fut telle, que les liens entre la France et l’Afrique ne peuvent plus, sans dommage pour les uns et les autres, être anéantis.

Tout le monde en France saura dire les noms de plusieurs chefs d’état, de sportifs ou d’artistes africains. Mais personne ne saura rien dire des noms des premiers ministres danois ou suédois, des présidents slovène ou slovaques, d’artistes bulgares ou finlandais, alors qu’il s’agit là de pays de l’Union européenne, auxquels la France est plus particulièrement liée.

C’est dire à quel point tous les regards en France demeurent pleins de nostalgie, dirigés vers le “grand Sud”, là ou s’est exprimée la grandeur impériale de ce pays, car c’est là qu’aujourd’hui, les Français qui tendent à ne plus devenir que de simples provinciaux de l’Europe, se sentent encore grands, et le deviennent.

Il est clair que l’exploitation abusive des ressources des nations africaines à la tête desquelles elle a placé ses “préfets”, constitue un élément indispensable à l’économie de la France telle qu’elle demeure malheureusement pensée, c’est-à-dire sans le sens du partenariat. D’autre part; une telle prise de contrôle tout à la fois des ressources africaines, afin de garantir ses approvisionnements, et des administrations africaines, afin de ses desseins géopolitiques, est nécessaire par delà les interdits étiques et constitutionnels, à un pays qui entend jouer encore dans la cour des grands. Mais il n’y a pas que cela.

Ce serait une erreur de sous-estimer dans la persistance de cette liaison perverse, le poids des liens historiques et culturels, et leurs implications psychologiques, identitaires, et même affectives.

Il n’est qu’à voir tout le cérémoniel et toute la mise en scène de ces grandes messe du sommet franco-africain, et du sommet de la francophonie, pour comprendre à quel point la France a besoin pour la représentation d’elle-même, de se voir importante, ce qu’elle ne peut être, qu’avec les nations africaines de l’ex-empire, et comprendre qu’elle ne peut se résigner à n’être qu’une province européenne parmi les autres ce qui pour une nation à l’histoire aussi dense, et qui a toujours dominé cette Europe, correspond à ne plus rien être du tout...

C’est d’ailleurs cette même préoccupation qui fait que la Grande Bretagne s’applique constamment à maintenir une distance entre elle et une Union Européenne à laquelle elle a tenu malgré tout à participer, puisqu’il lui faut être partout, selon sa propre légende...

Ainsi, dans la récente entreprise criminelle de “néo colonisation”, qui a provoqué la mort de plusieurs dizaines de milliers d’hommes en Côte d’Ivoire et en Libye, si la défense des intérêts pétroliers de la métropole fut manifeste, il est tout aussi manifeste que de ne plus se sentir “redoutée”, ce qui pour cette métropole constitue le spectre de sa relégation du statut de grande puissance, à celui d’une nation quelconque, et par là, le prélude à une contestation encore plus forte de son statut de membre permanent du conseil de sécurité, à visiblement justifié la nécessité de faire à cette occasion, une “démonstration de force”.

Le message fut reçu, mais ce sont les malheureux Ivoiriens et les Libyens qui ont fait les frais de la démonstration, et il est remarquable d’ailleurs qu’ils n’ont guère été soutenus, bien au contraire, par les autres Africains. Car pour ceux-ci également, et bien sûr sans que jamais ils ne le confessent, compte tenu des simulacres stériles de l’Union Africaine, qui n’a pas eu les “tripes” pour prendre en charge ces dossiers, et qui manifeste aux yeux du monde entier son inconsistance, l’empire demeure paradoxalement, en seraient-ils même les victimes, leur seul espace de grandeur, et parce que hors de lui, il n’y a rien, et c’est bien ce néant qui établit la pérennité de l’empire moribond.

Symétriquement, il est amusant aussi de remarquer qu’il n’y a pas d’Africain plus acharné contre la France, que ceux qui s’y sont installés, et on comprend que ce rejet traduit bien sûr une souffrance due à tous les crimes commis depuis des siècles par la métropole sur le continent, selon sa volonté farouche de domination. Mais cette animosité traduit également pour ces hommes désirant malgré d’énormes difficultés, se trouver là où les choses se peuvent et là où elles se passent, la frustration due à un manque de reconnaissance et de considération par cette métropole, et au refus ahurissant de celle-ci de prendre tout simplement acte de son altération durable par l’Afrique, de façon à établir les Africains qui vivent chez elle, dans une normalité...
Tout cela, parce qu’il reste malgré bien des griefs des colonisés envers la métropole, un lien indéfectible, constitué par un héritage historique commun, et le partage de la langue...

C’est ainsi que beaucoup d’Africains de l’ex-empire continuent de faire le siège des consulats, afin d’obtenir un visas pour la métropole, parce qu’il ressentent confusément pour les uns, même s’il se trompent souvent, que c’est là que se trouvent pour eux les moyens et les occasions de réussir quelque chose, et pour les autres, que c’est là que se développent les principaux “événements” de la culture qu’ils partagent, et il se trouve même des artistes qui, ayant eu le succès chez eux, viennent ici pour recevoir leur couronnement.

En fait, la France, et particulièrement la ville de Paris, constituent selon un paradoxe qui n’est finalement qu’apparent, pour les élites africaines francophones en quête d’excellence dans leur art, un passage obligé. Ceci, parce qu’en plus des écoles, des universités, des instituts de recherche et bien d’autres commodités logistiques indispensables, c’est là que se développe une production intellectuelle considérable sur des questions concernant l’Afrique, et que peuvent se nouer des contacts intéressants avec des gens venus de tous les horizons, sans avoir à parcourir le monde entier.

C’est d’ailleurs là que se trouvent de véritables Africains, c’est à dire des gens dégagés du sectarisme ethnique qui fait tant de dégâts sur le continent, dans un lieu ou ces différences deviennent ridicules face à tout ce qui les oppose au Français. D’autre part, nous sommes là dans une ville où l’on trouve davantage de documents sur l’Afrique dans le seul quartier latin, que dans toute l’Afrique francophone réunie. C’est ainsi que les géologues français, après avoir procédé à un recensement des nappes d’eau souterraines de la zone sahélienne, avaient consignés leurs résultats dans un document dont l’original fut conservé au BRGM, mais dont la copie qu’ils avaient transmise aux gens du Burkina qui en étaient demandeurs, avait à l’époque où je m’occupais de ces questions, tout simplement été perdue par ceux-là...!

En réalité, il se produit dans la communauté africaine de ce qui tend de plus en plus à devenir “Paris la noire”, un bouillonnement intellectuel sans précédent, par rapport auquel les belles heures de Saint-Germain des prés ne sont que babillage futile. Tout cela se passe à dix mille mètres au-dessus de la tête des Parisiens français qui n’en soupçonnent rien, et qui ne comprennent pas que si tant d’Africains viennent ici, c’est tout simplement parce que c’est là que se situe cet “événement”.

Tout ceci montre que les liens tissés selon l’empire ne sont pas à la veille d’être rompus, et que si l’on veut en finir avec l’empire moribond, ce n’est pas par le néant qu’on y parviendra, mais bien par son remplacement par un autre, par un empire fondé cette fois sur la base d’une appartenance culturelle. Ceci, en étant conscient que tôt ou tard, le centre culturel de cet empire se déplacera fatalement de la métropole parisienne, vers une de ces grandes métropoles africaines comme Kinshasa qui, avec ses quatorze millions d’habitants, constitue d’ores et déjà et de très loin, la plus grande ville francophone du monde.

Il est clair qu’après tant de déconvenues économiques, et sa perte d’influence graduelle en Afrique au bénéfice de la Chine, de l’Inde et du Brésil, il ne pourrait rien arriver de pire et de plus grotesque à la France, que de se trouver en plus marginalisée au sein même de la sphère francophone, à l’heure où toute l’Europe se met à l’anglais.

Tout ceci montre l’urgence qu’il y a à ce qu’il se produise un changement radical dans la mentalité des Français concernant leur rapport à l’Afrique et symétriquement, la nécessité que les Africains renoncent à cette vielle chimère d’un grand règlement de compte historique où ils s’en viendraient venger des siècles d’une oppression subie par la métropole. Car, jusqu’à présent, celle-ci constitue curieusement par ses différentes institutions coloniales, et comme un pied de nez fait à ses détracteurs, le seul facteur véritablement efficace de rassemblement entre les nations africaines francophones, même si ce n’est pas toujours pour une bonne cause, et il est clair que pour ces nations qui autrement trouveraient difficilement la voie d’une coopération entre elles, ce facteur de rassemblement est vital.

En fait, ce qu’il nous faut comprendre de tout cela, c’est que les individus tout comme les nations de notre époque, doivent se préparer à assumer un caractère “multidimensionnel”, qui leur sera de plus en plus imposé par la logique des temps.

Ceci signifie que les Français doivent s’assumer pleinement dans leur dimension européenne, au sein d’une Union Européenne à laquelle ils ne sont cependant pas réductibles, que les Africains doivent s’assumer sereinement dans leur dimension africaine, au sein d’une Union Africaine à laquelle pareillement, ils ne sont pas réductibles, et que les uns et les autres doivent s’assumer pleinement dans leur dimension francophone, au sein d’un empire culturel qui s’en viendra remplacer l’empire moribond...

Bien sûr je vous le concède, c’est plus facile à dire qu’à faire...


Paris, le 15 août 2012
Richard Pulvar


BRAVO ET MERCI MESSIEURS LES “BRITISH”, POUR CETTE GRANDE MESSE DE LA FRATERNITE...!




Tout cela a été parfaitement organisé...

Ce fut grandiose, passionnant, beau et émouvant, et cette grande manifestation nous a rappelé que nous autres les humains, nous pouvons faire de belles choses sur notre bonne vielle Terre, et que c’est précisément pour cela que nous nous y trouvons...

Même la surprenante concurrente saoudienne, jeune enfant otage d’une situation qui la dépassait, où un interdit prétendument religieux s’est trouvé réaffirmé avec force par les siens, afin que puisse en être aboli un autre bien plus pénalisant et tout aussi irrationnel, qui ne lui aurait même par permis de participer, s’est déclarée heureuse d’avoir été là, et de fait pour une fois, toute notre humanité était là...

Tout ceci confère aux jeux, il ne faut pas se le cacher, par le fait qu’ils permettent d’atteindre un “au-delà” des choses habituelles et des singularités réductrices, et qu’ils sont l’occasion d’une humanité rassemblée communiant dans un même idéal, un caractère “sacré”. C’est ce que traduit d’ailleurs bien, tout le cérémoniel parfaitement réglé qui conduit cet événement. Il s’agit d’une véritable “liturgie” qui va jusqu’à un engagement d’excellence selon une prestation de serment, des concurrents et des arbitres, laquelle sans bien sûr le dire, suppose qu’une autorité suprême sera juge de leur accomplissement...

Toute cette mise en scène montre bien, qu’il ne s’agit plus en cet événement, d’une simple manifestation sportive...

Il est remarquable en effet à ce sujet, qu’en plus des exploits sportifs qui constituent l’objet premier des jeux, et des exploits techniques que nécessite leur organisation par la nation d’accueil, les grandioses cérémonies d’ouverture et de clôture de ces jeux, constituent de magnifiques catalogues culturels disant tout à la fois “l’héritage” dont dispose cette nation, et la force créatrice de son génie artistique.

Observons bien maintenant que c’est à ses frais, lesquels sont devenus considérables, que la nation organisatrice se met entièrement au service des autres nations de notre humanité, pour les accueillir et les rassembler chez elle. Or, il s’agit là en ce don de soi aux autres, d’un geste dont la recommandation constitue un des principaux enseignements religieux, et qui, concernant les relations habituelles existantes entre les nations, est absolument exceptionnel. Car on ne le trouve qu’à l’occasion de ces jeux, et de cet autre événement de même dimension que constitue la coupe du monde de football.

Tout ceci signifie que par delà ces prétextes sportifs, ce à quoi nous assistons en ces événements, c’est à des actes de “rédemption”, dans le sens christique même du terme, c’est à dire des actes par lesquels le bien se trouve rendu pour le mal, et par lesquels finalement, toute l’agressivité naturelle des humains, toutes les rivalités et toutes les volontés de capture et de domination des uns sur les autres, se trouvent “sublimées” au travers d’exploits sportifs.

En ce sens, le caractère “religieux” de ces manifestations est indéniable. Les rages s’expriment alors contre le chronomètre, les dominations se traduisent simplement par la plus haute marche du podium, et après les applaudissements fournis, ce sont quelques médailles, des émotions, de la fierté et de la gloire, lesquelles valent bien mieux que l’or, quant à la félicité des nations, qui constituent les gains des vainqueurs.

Ailleurs qu’en ces espaces, ce sont des guerres qui traduisent la rivalité entre les nations, la soumission de peuples entiers qui traduit les volontés de domination, et le pillage des ressources naturelles des pays vaincus, qui traduit la volonté de capture des nations prédatrices. Nous pouvons mesurer ainsi tout le bonheur que nous avons par tout ce que cela nous épargne, dans l’existence des jeux olympiques qui, dans l’antiquité déjà, sonnaient précisément une période de trêve guerrière. Il en est de même pour et cette autre grande messe de la paix, par codification d’une expression pacifique et apaisée des rivalités, que constitue la coupe du monde de football.

Pour la plupart d’entre nous, nous demeurons persuadés a priori, qu’il ne s’agit en ces événements, que de simples manifestations sportives “civiles”, issues d’une concertation entre les humains. Ceci, parce qu’à cause de la déviation sémantique qu’à subie au cours des siècles le terme traduisant ce fait, et à cause de tous les crimes et tous les abus qui furent commis sous couvert de celle-ci, nous manquons d’observer que la concertation entre les humains, quel qu’en soit l’objet, constitue en elle-même par définition, un fait de “religion”.

Cependant, ceux qui s’intéressent à ces questions ne manqueront pas de remarquer que ces grands rassemblements qu’il convient bien de dire religieux, se font forcément comme tels selon des “dieux“, c’est-à-dire selon des faits de “transcendance” de la singularité des individus et des peuples, mais que ces dieux ne sont jamais “nommés”. Personne ne viendra dire en effet, que l’établissement des règlements des jeux olympiques, et la fervente participation, en acteurs ou en spectateurs, de tous à ceux-ci, se font “au nom” d’un dieu.

Or, un des tout premiers enseignements de la grande tradition ésotérique, qui se trouve à l’origine de l’invention du “tétragramme”, le fameux “JWHW”, c’est qu’il est justement interdit de “nommer” le dieu, celui selon lequel s’exerce la concertation entre les humains, et qui n’est bien sûr “unique”, que si cette concertation concerne notre humanité tout entière...

Par cette interdiction qui était faite de nommer le dieu, les rédacteurs de la grande tradition ésotérique rappelaient ainsi que rien ne peut se prétendre au nom d’un dieu, et encore moins au nom du dieu “un”, qui ne procède de la libre concertation entre les humains, et qu’en conséquence, rien de ce qu’ils n’agréent librement, ne peut leur être imposé comme étant la volonté d’un dieu, puisqu’il n’existe justement de dieu, que selon cette concertation.

Il est clair de ce point de vue que pour la plupart d’entre elles, par leur prétention à dire le “convenable” hors de toute “convention” établie entre les humains, et parlant au nom d’une “transcendance” de ces humains en se passant de consulter leur avis, voire en les contraignant, comme si cette transcendance pouvait manquer d’être “la leur”, autrement dit, comme si elle se pouvait dégagée d’eux et exprimer des volontés sans rapport avec leur souhaits, les religions d’aujourd’hui constituent autant de “trahisons” de l’idée religieuse authentique...

On surprendra alors beaucoup en disant que curieusement, c’est à travers le sport, certaines institutions humanitaires, ou encore certaines manifestations culturelles, que se réinvente aujourd’hui la véritable religion, et qu’en ce sens, les jeux olympiques constituent bien une manifestation religieuse, dans le sens fondamental du terme…

Bien sûr il faudrait développer davantage...

Une prochaine fois peut-être...


Paris, le 13 août 2012
Richard Pulvar