vendredi 15 octobre 2010

L'ALTERITE, CONDITION DE L'INTEGRITE

Dans la publication précédente, intitulée “L’heure venue d’un peuple attendu”, je m’attachais à montrer que la faiblesse endémique des sociétés de l’Afrique sub-saharienne, c’est à dire de ceux que nous avons coutume de désigner simplement par “les Africains”, étaient due à leur manque de disposition à “l’altérité”, c’est à dire à se faire partiellement “d’autres”, afin de leur bien “être”. J’ajoutais que le rôle fondamental des Antillais, peuple métis issu d’Africains et de Français, autrement dit peuple “moyen” de ces deux composantes, était justement de se constituer comme le “moyen de passage”, autrement dit “d’échange”, d’éléments de socialisation entre eux. Ceci, afin d’établir une détermination des Africains à la “modernité”, par un dépassement de leur situation actuelle prenant acte des faits historiques, et ce, à l’heure même où, l’essentiel de leur discours, consiste tout au contraire en des projets de retour à des dispositions sociales et culturelles d’avant la colonisation, jugées donc comme telles, “indépassables”, et dans une entreprise dont ils ne perçoivent pas que la fatale vanité, tient simplement au fait qu’elle ne se propose rien de moins, que de remonter le temps.

La contrepartie de cet échange, est de déterminer les Français quant à eux, selon des exigences “humanistes” constituant un dépassement là aussi, de leurs seules préoccupations productivistes, lesquelles ne peuvent plus constituer l’objet exclusif, ni même essentiel, de nos sociétés qui dans cette partie du monde, se situent déjà dans une ère “post-industrielle”.

Dans un premier temps, je me suis attaché à montrer que bien des aspects non évidents des choses, échappaient à leur approche selon les formes les plus habituelles de la rationalité. Ceci, pour justifier le fait d’une approche “cosmologique” de celle-ci, autrement dit d’une tentative d’en rendre compte selon les implications logiques du “temps”, quant à leur caractérisation.

Malheureusement, il est manifeste, compte tenu du peu de commentaires suscités par cet article, que cette introduction rébarbative, voulant énoncer quelques principes de base de cette façon inhabituelle d’envisager les choses, en a dissuadé plus d’un, et a fait manquer à ce texte son objectif initial qui était de montrer quelle était la raison du tourment africain, et la justification historique entre ce qui en fut la “provocation” et ce qui en demeure la “vocation”, du fait antillais.

C’est pourquoi je me propose ici, de reprendre d’une façon bien plus “synthétique”, cet essentiel, avec bien sûr la faiblesse corrélative de cette façon de faire, à savoir que certains énoncés, non établis, posséderons dès lors un caractère “axiomatique”, qu’il faudra admettre.

Disons pour commencer, qu’il existe deux catégories de “réalités”, les formelles, et les informelles. Les “formelles”, sont les réalités qui se trouvent constituées “sous forme”, il s’agit alors des objets concrets, tel qu’ils nous sont directement perceptibles, selon nos sens. Les réalités “informelles” quant à elles, sont celles qui se trouvent “déterminées entre formes” telles que l’espace, dont la réalité se trouve établie selon ce que nous appelons une “distance”, telle que celle-ci ne peut être déterminée qu’entre deux formes. Notons au passage, qu’il ne peut y avoir de réalité d’un espace “indéterminé”, tel que celui dans lequel est censé se répandre notre univers en expansion, selon une théorie à la mode, dont seule l’autorité de ses auteurs, lui évite d’apparaître clairement comme ce qu’elle est, c’est à dire une vaste blague !

Comprenons maintenant qu’il ne peut y avoir de réalité formelle, que “constituée” d’une pluralité de parties, de sorte qu’il lui est possible “d’apparaître”, selon le rassemblement occasionnel sous la forme d’un “entier”, autrement dit d’un ensemble constitué comme s’il ne formait “qu’un”, de cette pluralité de parties, et réciproquement de “disparaître”, par une restitution de ces parties. Ceci, parce que si elles n’étaient constituées, les réalités formelles ne pourraient ni apparaître, ni disparaître, ni se “transformer” selon un modification “partielle” de leur forme, puisque le “partiel” n’a d’occasion, que selon une constitution de “parties”.

Si donc elles ne se trouvaient constituées de parties, et qu’il ne se produisait dès lors, ni apparition, ni transformation, ni disparition, autrement dit, aucun événement, cela voudrait dire tout simplement qu’il ne se développe pas de “temps”, et que par conséquent, ces réalités formelles n’en sont pas, puisqu’elles ne peuvent “être”, et par cela “durer”, hors du temps.

Retenons donc bien de tout cela, qu’une constitution de parties, lui permettant d’être l’objet d’une transformation, laquelle ne peut être que partielle, et signifiant son inscription dans le temps, constitue la condition de tout “être”, avec comme corollaire, que cet être ne se peut, qu’à condition de sa transformation partielle, ce qui dans la durée, signifie “graduelle”.

Ainsi, constituant une nécessité de l’être lui-même, une transformation graduelle constitue la condition d’un “bien être”, de sorte que tout manquement à cette nécessité, correspond à une atteinte à l’être.

Comprenons maintenant qu’il ne peut se produire précisément “transformation”, que par la réciprocité d’un échange entre formes. Dans ce schéma, la partie d’une forme se trouve “exprimée” de celle-ci, en constituant par cela même ce que nous appelons une “information”, en ce sens que cette partie exprimée, ne se trouve plus “sous forme”, et constitue alors, déterminée entre la forme qui l’exprime, et une autre qui la perçoit, une réalité “informelle”.

C’est cette information, qui est logique de sa “particularité”, autrement dit du fait que la forme soit constituée de “parties”, qui signifie donc selon elle, cette forme à une autre qui la perçoit et qui s’en fait, en “comprenant” cette information en elle, comme une partie d’elle. Cependant, cette partie exprimée d’une forme, n’en demeure pas moins une partie d’elle, et c’est justement par la détention commune de la partie exprimée d’une forme, comprise en une autre, par la perception qu’en a cette autre, qu’il se produit “com-préhension”.

Or, cette information comprise en une forme, a bien sûr des implications structurelles sur celle-ci, que par cela, elle modifie, et c’est justement selon ces modifications de structure, qu’il se produit effectivement la compréhension d’une information “sous forme”.

Ainsi, la compréhension de l’information exprimée d’une forme, par une autre, implique une modification de cette seconde forme, autrement dit sa transformation, ce qui revient à dire tout simplement que c’est en le “passage” d’information d’une forme à un autre, qu’il se produit “transformation”.

Nous sommes alors en mesure de comprendre maintenant, que par définition même, il ne peut se produire la transformation d’une réalité quelconque, que selon son rapport aux autres, de sorte qu’il ne peut y avoir de transformation de cette réalité que constitue un peuple, que selon son rapport aux autres.

Ainsi, imaginer qu’il pourrait se produire cette nécessaire transformation des peuples africains, afin qu’ils se sortent de leur état actuel, selon eux-mêmes, constitue une “ineptie”, puisqu’ils ne peuvent “mécaniquement” se transformer, que selon d’autres.

Il est remarquable que tous les autres peuples ont fait leurs, pour leur “modernisation”, et avec le succès que nous pouvons constater, au Japon, en Corée, en Inde, en Chine, et autres pays émergeants, les changements qui leurs furent plus ou moins imposés par les Européens.

D’autre part, en ne perdant pas de vue qu’une transformation graduelle constitue une nécessité de “l’être”, nous comprenons que ce n’est que dans “l’altérité”, le rapport à l’autre, constituant une condition de l’être, et par-là au “bien être”, que se trouve le salut des sociétés africaines, et toute leur difficulté, sera de parvenir à s’établir dans les rapports les meilleurs, avec les autres. Ceci leur imposera d’en finir enfin avec leur rancœur et leur vindicte obsédée, et de faire une bonne fois dans ce qui constitue leur réalité, la part de l’histoire.

Comprenons maintenant que l’expression de l’être, provoque en lui une disponibilité, qui constitue une occasion pour sa compréhension de ce qui lui est autre, et notons surtout, que dans ces conditions, il ne peut atteindre sa plénitude, que s’il comble ce vide provoqué par son expression, par une compréhension d’autre.

Ceci signifie clairement, que la cohésion établie entre les différentes parties d’un être, autrement dit son “intégrité”, qui ne peut évidemment être obtenue s’il lui “manque” un rien, ne peut être assurée, qu’à condition de sa compréhension “d’autre”, autrement dit la encore, que selon l’altérité.

C’est parce que des individus se trouvent exclus, tels que ceux des quartiers, ou parce que des communautés se trouvent ségréguées, tels que les noirs aux Etats-Unis, ou les gens des bidonvilles du Brésil, communautés gangrenées par une criminalité désespérante, que ces individus ou ces communautés se trouvent dans une perte totale d’intégrité, qui implique ces errances comportementales indignes.

Les sociétés africaines ne parviendrons à recouvrer leur intégrité perdue depuis bien longtemps, afin de leur bon fonctionnement étatique, et de la cohérence comportementale de leurs citoyens, que grâce à cette altérité qu’elles n’ont pourtant de cesse jusqu’ici, de refuser.

C’est cette position de refus, due à une méfiance légitime compte tenu de l’histoire, et de ces menées innommables, qu’on se permet de désigner comme étant une “politique”, et pour laquelle on ose le titre de “politique africaine de la France”, qui va justifier la mise en œuvre d’un “médiateur”, entre Africains et Européens, afin d’une altérité qui ne peut plus se faire directement. Ce médiateur désigné ne peut être que ce peuple “moyen” d’entre ceux-là, c’est à dire le peuple Antillais.

Paris le 15 octobre 2010
Richard Pulvar