mercredi 19 octobre 2011

LA REVOLUTION, LA GUERRE, ET LE NEANT




Personne ne niera encore aujourd’hui, à l’heure où celles-ci se trouvent assaillies par une suite sans fin de calamités irréductibles, face auxquelles l’impéritie de l’action publique, ne nous laisse plus que nos bras levés vers le ciel pour en espérer le salut, à quel point tous les mécanismes sociaux, économiques, et politiques, de nos sociétés fatiguées et désenchantées, nécessitent d’être très profondément réformés

Cependant, cette prise de conscience de la nécessité, ne s’accompagne curieusement pas d’une prise de conscience corrélative, des moyens adaptés pour la satisfaire. Des millions d’honnêtes citoyens continuent ainsi de croire, et ne veulent visiblement rien savoir d’autre, que la mise en œuvre tranquille et sereine des procédures habituelles de l’ordre établi, telles que les échéances électorales auxquelles certains se préparent avec confiance et enthousiasme, pourraient constituer les occasions de profondes réformes de ce même ordre, autrement dit de la contestation de celui-ci, par lui-même.

Soyons sérieux !

Si c’est l’organisation de la vie publique, autour de partis politiques mis en ordre de bataille, et qui sont de ce fait, fatalement voués à une forme d’intolérance, à l’heure où c’est de concertation dont à surtout besoin le pays, si c’est donc cette structure elle-même qui pose problème, ce que semble confirmer les taux d’abstention croissants qui se succèdent, au fur et à mesure des consultations, il ne faut évidemment pas compter sur ces partis, pour se déclarer eux-mêmes inutiles, voire nocifs...

Jusqu’à présent, c’étaient les révolutions, ou les vastes mouvements de contestation populaire tels que ceux de 1936 et de 1968, et les guerres, qui constituaient les véritables occasions de remise en cause de l’ordre établi, afin de l’instauration d’un autre mieux adapté aux nouveaux temps alors venus. Mais, il se trouve que les conditions d’une saine révolution ne semblent par réunies. Tout d’abord, à cause de la structure démographique de notre société, c’est à dire son extrême vieillissement, puisqu’il est clair qu’une révolution ne se fait pas avec des retraités qui n’aspirent qu’à des derniers jours tranquilles. Quand aux “jeunes”, ceux dont dispose encore ce pays, c’est à dire ceux des banlieues, qui constituent le terreau sur lequel pourraient germer les idées révolutionnaires, contestés qu’ils ont été depuis leur berceau, quant à leur simple “appartenance” à cette nation, par un discours raciste et permanent, pourvoyeur de suffrages, sur l’identité nationale, ils ne sont évidemment pas spontanément convaincus, d’avoir avant combien d’autres, ni à leur place, à se battre afin de la félicité d’une “mère” qui s’est montrée si indigne envers eux.

Ainsi, à part une bavure policière de trop intervenant au fond d’une banlieue perdue, sous la menace de laquelle nous demeurons en permanence, mais événement détestable, sur lequel nous ne saurions fonder sainement un espoir de mobilisation, il est clair que la seule insatisfaction, et aussi péniblement qu’elle serait vécue, ne suffira pas à faire abandonner leur quotidien, à des millions de gens. Car ceux-ci se sont trouvé fragilisés, et finalement inhibés, par la maltraitance du système qui sur la durée, leur a fait perdre tout espoir dans la faisabilité en elle-même, d’une société meilleure. Ceci alors qu’en même temps, un battage médiatique incessant, tout à la gloire des tenants et des servants du système, et vantant les vertus indépassables des procédures démocratiques, les confine dans un ultra-conformisme bétonné.

Quant à la guerre, celle-ci ayant normalement pour objet un intérêt, qu’il soit territorial ou autre, les nations occidentales l’ont logiquement exportée loin de leurs frontières, dans ces pays “exotiques”, où il existe encore véritablement un “intérêt”, c’est à dire des espaces, des ressources, et des marchés, ce qui n’est plus le cas chez leurs voisines immédiates, auxquels auparavant elles s’en prenaient. Mais ces guerres lointaines, pour si coûteuses qu’elles soient, ne provoquant pas de destruction sur leur sol, et n’infligeant pas d’horreurs à leur population, et de plus, menées désormais par des professionnels payés pour en assumer le risque sur leur vie, ne sont plus de nature à provoquer des bouleversements au sein des nations, et elles sont même souvent favorablement accueillies, par tous ceux qui veulent jouir par cela, de la démonstration de la supériorité guerrière de leur race.

Cependant, cette impérieuse nécessité que soit défait périodiquement l’ordre établi, afin que puisse en être instauré un autre, est connue et reconnue depuis la nuit des temps. Ainsi, c’est cette nécessité qui se trouvait déjà signifiée dans la mythologie de l’Egypte ancienne, par la dualité de la fratrie Seth-Osiris, où ce dieu du désert, de la destruction, et de la “radiation”, qu’était Seth, était pourtant dit “frère” du dieu de la renaissance “Osiris”, dont les parties du corps, découpées et “dispersées” par Seth, qui fut en ce sens l’auteur de sa “disparition”, furent ensuite rassemblées, mais sous une autre forme, par leur sœur “Isis”, la grande déesse du rassemblement, de l’unité, de l’universalité, et par cela, de la chose “sacrée”.

Notons au passage que c’est à cette déesse Isis, que fut consacrée dans des temps immémoriaux, et par des hommes venus d’Afrique, qui donc se trouvaient en cette terre bien avant que n’y parviennent des hommes blancs, le “Par-Isis”, nom prétendument issus, selon des faussaires de l’histoire ayant sévit en plein délire colonialiste, de la fin du dix neuvième siècle, d’une soit disant tribu celtique, qu’aucun ouvrage ancien ne cite. Ceci, alors que cette histoire des origines africaines, et sacrées, de ville de Paris ( le “Par” désignant l’enceinte sacrée ), connue et colportée au fil des siècles, fut parfaitement rapportée par Corrozet, un historien de l’époque de François Ier. Ayant rappelé cette origine, celui-ci nous enseigne en plus, qu’une statue de bois à l’effigie de la déesse, c’est à dire sous les traits d’une femme noire, située en l’église Saint Germain des Prés, et dite à cause de cela “l’idole saint germain”, était l’objet d’une telle vénération de la part des fidèles que, bien qu’il ait tenté de la faire passer pour une représentation de la vierge Marie, le clergé à du se résigner à la brûler...

Ceci fait nominalement de la ville de Paris, le lieu de la grande révolution universaliste qui devrait normalement se produire selon la logique des temps. Malheureusement, cela ne semble pas en prendre le chemin. Mais, nous verrons, restons optimistes...!


Croire qu’il serait possible d’accéder à des formes bien plus positives de l’organisation sociale, tout en restant accroché de façon crispée, à celles qui participent à notre familiarité d’aujourd’hui, voila le non sens, malheureusement si largement partagé dans cette société, qui nous vaut l’immobilisme, c’est à dire le néant actuel, expression dramatique du triste “ni-ni”, cher aux pseudos progressistes, où rien ne se passe, où rien n’advient, tout simplement parce que rien ne s’en va. Toujours les mêmes institutions, toujours les mêmes leaders politiques, toujours le même discours.

Dans ces conditions, seule une mort lente, cette longue déliquescence dans laquelle nous semblons bien engagés, sans jamais parvenir à nous en libérer, constitue l’issue logique de ce manquement général de prise de responsabilité, face à cette réalité grimaçante de notre “société en danger”, qui devrait normalement mobiliser toute les énergies, et toutes les bonnes volontés...

Paris le 18 octobre 2011
Richard Pulvar