mardi 29 janvier 2013

QUAND POUR NE PAS DEVOIR AFFRONTER, CERTAINS SE PLAISENT A SE LA FAIRE CONTER

                                  

“Ils sont venus, ils sont tous là...”, aurait chanté Aznavour, tous rassemblés autour du “patron” qui selon la logique des choses, se trouve toujours être le président de la république française. Dans ce salon du “Palais” où une haie d’étendards résume l’étendue ce que fut l’immense “empire”, et où l’espace d’entre les ors se trouve traversé par des regards de chefs, la grand-messe du pouvoir et des combines sans frontières peut alors commencer...

Ce qu’il y a de surprenant dans cette affaire, c’est que conscients malgré tout, même si c’est confusément, qu’ils n’y peuvent strictement rien, et que toutes ces affaires très spéciales, se passent bien au dessus de leur tête, hors du champ des petits cancans politiciens habituels, selon la rivalité gauche/droite, dont ils peuplent leur ordinaire, c’est au moment où certaines réalités dérangeantes se révèlent de la façon la plus évidente, que les citoyens de ce pays se payent de manquer de les voir, probablement parce qu’alors, elles crèvent les yeux.

Ainsi en est-il de cette troublante et indicible “Françafrique”, cette organisation “informelle” d’autant plus redoutable qu’en plus de la totale confidentialité de ses résolutions, elle est formellement incontrôlable, puisque ne s’inscrivant dans aucun cadre constitutionnel, rien et personne ne saurait l’obliger, ni lui demander des comptes, ni tenter d’en obtenir la dissolution, puisqu’elle n’est déjà pas justement, civilement “constituée”...

Les citoyens de ce pays sont alors rarement préoccupés quant à tenter de savoir et de comprendre, par delà les aspects exotiques et folkloriques qu’elle sait si bien vendre d’elle, quelles sont les réelles implications, quant à la politique menée par leur pays, et quant à leur mode de vie, lequel leur semble ne rien en dépendre, du fait de cette organisation. Cependant, il s’est trouvé, et ceci, à contre courant d’un vœu pieu consensuel quant à sa fin prochaine, un éditorialiste du journal le Figaro, conscient que cette curieuse chose s’inscrit logiquement dans la poursuite d’une histoire coloniale de la France, sans laquelle celle-ci ne serait jamais devenue ce qu’elle est, et donc sans laquelle elle ne saurait davantage demeurer ce qu’elle est, pour en proclamer par le fait, sa fatale pérennité.

Heureux sont les dirigeants de ce pays qui, à l’heure même où son armée se trouve engagée sur un théâtre lointain, dans un conflit dont ceux qui s’intéressent à ces questions, peinent malgré leur science, à bien saisir quels en sont les véritables tenants et aboutissants, parviennent à ne pas se trouver davantage questionnés, et encore moins inquiétés, à ce sujet, si ce n’est par le fait d’une opposition, craignant que le chef de l’état ne se paye en cas de succès de l’opération, une popularité lui valant par la suite d’obtenir les meilleurs scores électoraux. Ces dirigeants obtiennent cette faveur, grâce à ce qu’aidés par la classe médiatique de service, ils parviennent à présenter depuis des années et avec il faut bien le dire, une remarquable dextérité, comme étant la raison évidente, et la seule, de ce type d’intervention.

 Bien peu de citoyens en effet, se trouvent encombrés de quelque doute quant au fait que dans les différents conflits dans lesquels nous nous sommes trouvés récemment mêlés, ou dans lesquels nous sommes encore, c’est à dire la Côte d’Ivoire, la Libye, la Syrie et le Mali, il ne s’agit au départ en celles-ci, que de crises découlant de la stricte objectivité des situations internes de ces pays, de leurs mœurs politiques, de leurs faiblesses structurelles, et de leurs difficultés sociales et économiques. Nous aurions donc eu la surprise de découvrir subitement leur accablante réalité, et la charge selon notre vocation naturellement “droit de l’hommiste”, d’en assumer envers les nations du monde, la nécessaire prise de dispositions “humanitaire”.

Dans cette compréhension consensuelle des choses, la France n’interviendrait dans ces conflits qui malgré cela, demeurent ceux des autres, puisque comme on le sait, il n’est pas dans ses coutumes d’en avoir aucune part, qu’une fois que malheureusement ceux-ci se sont trouvés engagés, pour des raisons dans lesquelles elle ne se trouve bien sûr en rien impliquée. Elle n’interviendrait donc que pour assurer par la puissance de ses armes, et d’une manière totalement désintéressée, la protection des populations civiles innocentes, et pour imposer pour le plus grand bénéfice de ces contrées, le respect de la sainte règle démocratique dont elle fut l’instigatrice universelle, celle-là même et qui lui a permis de s’offrir pour son propre compte, ses preux dirigeants dont il est de notoriété, qu’ils sont intègres et incontestables.

Bien sûr, tout ce baratin, toute cette vision angélique des choses quant à un pays qui, dans la réalité vérifiable des faits, se retrouve engagé depuis quelques années, tous les ans qui passent, dans une nouvelle guerre, est totalement grotesque, pour ne pas dire lâche et indigne. Mais, elle est si confortable que beaucoup de citoyens bien peu vaillants, choisissent de s’y vautrer. Pour ceux-là, l’idée que leur pays puisse avoir une quelconque responsabilité dans ces conflits, et donc que les citoyens qui ne peuvent manquer d’être responsables des actes que leurs dirigeants élus accomplissent en leur nom, ont en ce sens matière à battre leur coulpe, leur parait surprenante, inconcevable, voire offensante.

Nous ne sommes donc pas à la veille de la prise de conscience nécessaire pour qu’à défaut de pouvoir être supprimé, ce système de relations secrètes et complexes entre la France et l’Afrique, où se mêlent d’une façon inextricable, diplomatie, affairisme, et gangstérisme, soit pour le moins réaménagé, de façon à ce qu’il devienne un peu plus profitable aux populations des deux bords, ce qui aurait du être depuis toujours, sa véritable vocation.

Bien sûr, le mépris dans lequel beaucoup de Français tiennent encore les peuples et les nations du sud, et qui, les privant de tout intérêt d’aller mettre leur nez dans ce “machin” franco-africain, constitue la meilleure garantie de tranquillité pour les tenant de ce système, les éloigne de comprendre tout ce qu’au travers tous ces noms qui sont les plus prestigieux de leur économie, c’est-à-dire les Total, Suez, Bouygues, Areva, et autres Bolloré, opérant en Afrique, leur niveau de vie doit à ce système. Ceci, à l’heure où la conjonction du déficit commercial abyssal qui est celui de l’économie française, avec des exigences européenne qui sont de plus en plus pressantes quant à l’équilibre budgétaire, constitue pour n’importe quel gouvernement français, un problème quasi-insoluble.

Il est donc plus que temps que les Français prennent conscience une bonne fois que, formuler comme ils le font des exigences sociales pour eux-mêmes, en se moquant totalement de savoir d’où pourrait bien provenir et de quelle façon, l’argent nécessaire à la satisfaction de celles-ci, et ce, en s’appuyant sur le sentiment confus que cet argent se situe bien quelque part, dans les caisses de quelques puissants groupes économiques et financiers qui sont justement, ceux là mêmes que l’on retrouve en Afrique, n’est pas digne. Car, ceci correspond strictement à confier tacitement à leur dirigeants, en quelque sorte un “mandat” pour protéger absolument la ressource financière que constitue pour eux, le système d’exploitation de l’Afrique. Et ceci, par tous les moyens, y compris les plus illégitimes et les plus crapuleux, et telle est bel et bien tout simplement en cette préoccupation obsédée, l’axe principal de la politique que la France mène dans ces contrées, sous couvert d’humanitaire, et de démocratie.

Il faut en effet tomber des nues, ou se montrer de la plus totale mauvaise foi, pour ne pas constater l’ensemble des enchainements logiques dont le point de départ est l’installation à coups de canons et de bourrage d’urne, d’un traitre à sa nation, à la tête de la Côte d’Ivoire. Ceci, pour tout à la fois empêcher l’exploitation de l’immense ressource pétrolière que des sondages avaient révélée, par les Chinois, selon un accord obtenu avec l’ancien président, puisque la stratégie occidentale de lutte contre la puissance montante de la Chine, consiste à l’atteindre à son talon d’Achille, c’est à dire son manque de ressource énergétique, et bien sûr, confier opportunément cette tâche à des sociétés françaises et américaines.

Il n’échappe en effet à personne que les seules nations dans lesquelles les occidentaux,   et particulièrement, les Américains et les Français, se montrent soucieux d’y voir fleurir la démocratie, et qui sont, le sud Soudan, la Côte d’Ivoire, le Venezuela, la Libye, et la Syrie, sont tout à fait par hasard, les fournisseurs pétroliers de la Chine, et que partout ailleurs, on peut tranquillement massacrer en rond, tel qu’en RDC, sans que ces occidentaux humanistes ne prévoient des campagnes de furieux bombardements, afin de protéger des civils innocents.

L’installation de la marionnette à la tête de la Côte d’Ivoire, devait permettre dans le même temps, d’obtenir à travers lui, autorité sur la CEDEAO, cette institution dont l’objet est au départ statutairement, économique et financier, mais dont la manipulation bien au delà de cet objet depuis longtemps déjà, a permis d’imposer aux militaires maliens un embargo sur leurs approvisionnements en armes et munitions, une fois que l’un d’eux formé par hasard par les américains, ait déclenché un coup d’état, cinq semaines seulement avant une élection à laquelle le président sortant ne se représentait pas.

Un esprit sain comprend qu’il n’y avait absolument pas lieu d’une telle opération pour se débarrasser d’un homme qui allait de toutes les façons s’en aller de lui-même, et ce, très prochainement, et qu’il s’agissait bien en celle-ci, de faire en sorte d’éviter la reproduction du scénario ivoirien où, par le jeu démocratique des urnes, ce fut, à la consternation de certains, un élément totalement étranger au “clan”, qui fut élu, et qu’il faudra dix ans plus tard, déloger de son palais, à coups de bombes.

C’est alors que face à cette armée désormais sans armes et sans munitions, des hordes de mercenaires s’en sont venues tout à fait par hasard de la Libye, où elles avaient été armées et entrainées, et c’est bien sûr là aussi, un hasard, par ceux qui reprochaient au Libyen qui les avait pourtant grassement subventionnés afin qu’ils parviennent au pouvoir dans leurs pays, de vendre son pétrole aux Chinois, et d’en garder égoïstement les bénéfices pour sa nation, en ne permettant l’exploitation de ce pétrole que par une agence nationale, privant les sociétés occidentales d’avoir leur part du gâteau. Une fois que le Libyen fut lui aussi bombardé, et même carrément exécuté, par les “protecteurs” institutionnels amenant avec eux, une douce démocratie salafiste pour la joie des Libyens, ces incohérences économiques furent rectifiées, et les mêmes, toujours les mêmes, purent se payer sur la dépouille encore fumante de la bête.

Ces mercenaires s’en venaient comme on le comprend vers le Bamako, pour voir tout simplement si l’air y était meilleur que dans le désert libyen, mais bien sûr équipés comme il convient pour pouvoir faire du tourisme en toute tranquillité en ces régions, c’est-à-dire de Kalachnikofs et de lance-rockets.

Du fait de la patrie malienne en danger, ceux de la CEDEAO, leur marionnette en tête, exigèrent le départ sans délai du putschiste qui, sans armement, n’aurait de toutes les façons pas tenu bien longtemps devant les touristes nordiques, et confièrent la présidence du Mali, en ne se souciant d’ailleurs nullement de l’avis des maliens eux-mêmes, à un “intérimaire”. Il s’agit en celui-ci d’un homme de leur “clan”, qui ne pu rien faire d’autre, et n’avait d’ailleurs rien d’autre à faire, que de lancer un appel vibrant et angoissé à la France et à son armée, pour qu’elle puisse faire barrage aux envahisseurs. Et voila pourquoi nous sommes là-bas...

Nous sommes donc au Mali pour la protection d’un peuple, et de la souveraineté d’une nation. Mais signalons cependant, à titre tout à fait documentaire, et en considérant bien sûr que rien n’interdit moralement de conjuguer l’intérêt, à un service rendu, que le gisement d’uranium actuellement exploité au Niger par Areva, se prolonge largement au Mali, et que cette même région désolée du nord du pays, renferme en plus, des gisements d’or, de coltan, de pétrole, et qu’un très important gisement de gaz naturel, vient d’y être décelé...

Bien sûr, cela n’explique pas tout, mais cela aide quand même à la compréhension de ce qui se passe actuellement en cet endroit.

Il demeure il est vrai, qu’on peut, pour ne pas chahuter sa conscience, considérer qu’il ne s’agit en tout cela que de la lutte désintéressée des bons dont bien sûr, nous sommes, contre les méchants...



                                  Paris, le 23 janvier 2013
                                        Richard Pulvar 

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