dimanche 28 avril 2013

ACTE SEXUEL, ACTE SACRIFICIEL

   
      

D’où vient-il que les religieux, depuis les temps les plus anciens et à travers leurs différentes doctrines, ont été et demeurent à ce point préoccupés, pour ne pas dire carrément obsédés, par la volonté de nous encadrer dans notre comportement sexuel, et d’y fixer des interdits ?

C’est fondamentalement, parce que dans la période où la femme est féconde, il s’agit en cet acte sexuel entre un homme et une femme qui, hors de cette période demeurerait sans conséquence, d’un “acte sacrificiel” qui en ce sens, s’apparente à un acte “religieux”.

C’est corrélativement à ce caractère sacrificiel, même si ceci ne suffit évidemment pas, compte tenu de la complexité de cette question, à totalement expliquer ces comportements, qu’il existe peu ou prou dans la démarche sexuelle de l’homme, quelque chose qui relève fatalement, même s’il en met des formes, de “l’agression”, pouvant aller jusqu’à du sadisme dans son expression extrême, et dans la démarche sexuelle de la femme, quelque chose qui relève de la “passion”, pouvant aller jusqu’à du masochisme, dans son expression extrême.

Bien sûr, il y a bien longtemps que la connaissance de cette disposition des choses présidant à notre comportement, s’est perdue dans la nuit des temps, et les hommes de notre époque sont dans le cas habituel, bien éloignés de soupçonner cette secrète fonctionnalité. Mais tel n’était pas le cas des anciens qui savaient très bien ce dont il s’agissait. C’est ainsi que conscient du caractère sacrificiel de l’acte sexuel, ils ont toujours identifié le sexe en érection de l’homme, à un poignard, et corrélativement, le sexe de la femme à une blessure, métaphore dont le sens se trouvait bien sûr accentué, durant la période des règles de celle-ci...

Chez les Romains, le poignard ou le coutelas se disait “machaera”, avec la notation “ch”, pour le son “ke”. Partant de là, le fait d’abattre des animaux avec un poignard se dira par la suite en bas latin “machere”, terme d’où vient notre mot “tauromachie”, pour désigner le fait d’abattre un taureau. Ceci, en remplacement du terme “taurobole” désignant le sacrifice d’un taureau à Cybèle, la “mère des dieux”, tel qu’il se faisait à Rome. Ce rite était issu d’une tradition égyptienne plus ancienne, celle qui consistait à sacrifier un taureau, animal puissant mais qui ne se nourrissant que d’herbe, représentait les forces de la terre ( ta-urus ) dont il se remplissait ainsi, ce qui lui valait d’être sacrifié. Car, ces forces de la “terre” étaient alors réputées de mauvais usage, comme étant celles précisément de la “terreur”, et c’est de ce rite que découle la pratique devenue désormais païenne, de la tauromachie.

Cependant, le sexe de l’homme en érection se disait aussi “machaera”, en étant ainsi directement identifié à un poignard sacrificiel, et le coutumier du sexe en érection était alors dit, “machaero”, terme qui nous parviendra par l’argot en “maquereau”, ce qui n’a bien sûr rien à voir avec le malheureux poisson. Ce même mot donnera en espagnol le mot “machero”, avec une prononciation de la notation “ch”, comme étant “tch” pour nous, qui par son voyage dans les Amérique sera abrégé en “macho”. Notons à cette occasion qu’à l’origine, maquereau et macho, désignent un même personnage.

Plus tard, dans les temps moyenâgeux, les brigands de grands chemin utilisaient un  petit glaive pour menacer du pire les voyageurs qu’ils s’employaient alors à détrousser, en “braquant” ce glaive, autrement dit en le “pointant”, sur leur poitrine. C’est de là que vient l’expression moderne “braquage”, pour désigner une attaque à main armée.

Ce glaive qui servait à ces brigands pour “braquer” les braves gens, était alors appelé un “braquemart”, et de la même façon, il fut identifié au sexe en érection, d’où le fait que par  l’argot ce dernier porte le même nom, et que toujours par l’argot, on désigne par “pointeur”, l’auteur d’un viol.

Ainsi, ce rapport de l’acte sexuel à la “violence” d’un acte sacrificiel, fut donc connu et compris pendant longtemps avant de tomber dans l’oubli. Et, si aujourd’hui des religieux, tels que ceux du Vatican, tentent d’établir une “convenance” morale de nos comportements sexuels impliquant nombre d’interdits, c’est parce qu’ils procèdent pour établir ce convenable, tout simplement par des exégèses à partir des enseignements écrits d’une doctrine ancienne. Mais, alors même que sur bien des sujets tels que la contraception ou l’avortement, ils ont parfaitement raison dans leurs prises de position, ils demeurent totalement dans l’incapacité d’en établir le bien fondé en fournissant aux fidèles, les justifications rationnelles qu’exige notre époque, quant à ces recommandations. Ceci leur vaut alors de se faire sérieusement chahuter, décrier, et même mépriser, par tous ceux qui n’ont pas les “entrées”, autrement dit, qui n’ont pas été “initiés”, pour s’en aller chercher la vérité, et pour pouvoir constater ainsi que mine de rien, même s’ils ne sont pas capables de clairement se justifier autrement que par ce qui prend alors la forme d’un radotage des commandements de leur doctrine, ces prélats n’en sont pas moins parfaitement dans le vrai.

Pour comprendre maintenant ce dont il s’agit exactement en ce rapport de l’acte sexuel au “sacrifice”, il nous faut faire appel à la “cosmologie”, c’est-à-dire à cette science de ce qui constitue un “ordre universel des choses”, que les Grecs désignaient par le terme “cosmos”, en opposition au terme “chaos” par lequel ils désignaient inversement, le désordre. Nous utilisons aujourd’hui ce terme cosmos pour désigner surtout “l’ordre des objets célestes”, mais comprenons que celui-ci ne constitue en fait qu’un aspect particulier de l’ordre universel, même si bien sûr, il s’agit du plus évident et du plus spectaculaire.

Dans cette démarche, il convient alors de prendre les lignes qui suivent, avec patience bien sûr, puisqu’il faut bien passer par là pour parvenir une explication quant à un phénomène qui ne possède pas directement d’évidence, mais dans la toute simplicité de ce qu’elles disent, et ne surtout pas leur chercher des significations compliquées, au delà de notre entendement habituel.

Donc, pour comprendre en quoi l’acte sexuel constitue-t-il bien un acte sacrificiel, considérons tout d’abord que dans ce qui constitue sa “réalité”, l’étendue de “l’existence” n’est telle, c’est-à dire une réalité, que parce qu’elle se trouve “déterminée”. Ceci, étant bien entendu que “l’indéterminé”, autrement dit ce dont rien ne se trouverait “défini”, selon des valeurs de grandeurs ou des caractères, ne pourrait justement pas constituer comme tel, une réalité, ni pour rien d’autre, ni pour personne.

Or, la “détermination” d’un fait consiste en son établissement entre “deux limites”, lesquelles ont une valeur à la fois spatiale et temporelle, et qui ne sont en fait rien d’autre que ce que nous constatons comme étant son “début” et sa “fin”, et ce, tant dans le temps que dans l’espace. Dans leur acception temporelle alors, ces “limites”, début et fin, constituent bien des “termes”, d’où le mot “dé-termination”, pour désigner le fait de leur établissement entre deux de celles-ci.

Tout ceci signifie qu’il ne peut y avoir comme étant déterminé, donc comme étant établi en une réalité, que ce qui d’une façon ou d’une autre, se trouve “limité”, ce qui revient à dire que dans sa réalité, il n’y a et il ne peut y avoir, qu’une étendue “limitée” de l’existence.

Retenons donc bien que, tous les cas d’existence sont forcément limités, tant dans l’espace que dans le temps, et que l’étendue de l’ensemble de tous les faits d’existence, dans la mesure où elle constitue une réalité, est elle aussi, limitée.

Cependant, cette étendue limitée de la réalité de l’existence, ne peut être déterminée selon une procédure justement limitative, qu’à partir d’une étendue supérieure qui la “peut”, et qui en l’occurrence est quant à elle sans limite. Car il s’agit cette fois en cette étendue, non pas de celle de la “réalité” de l’existence, mais de celle de sa “potentialité”. Ceci, étant bien entendu qu’avant même qu’une réalité ne “soit”, il convient déjà qu’elle soit “possible”, autrement dit “potentielle”, et qu’il ne peut donc se constituer la réalité d’un fait, qu’à partir d’une potentialité préalable de celui-ci.

Ainsi, cette “potentialité” de l’existence qui “précède” nécessairement une “réalité” limitée de celle-ci, qui en ce sens “procède” d’elle, est quant à elle logiquement “sans limite”. Car, la limite nécessaire à une réalité constitue en ce sens une “condition” au fait de celle-ci. Or, comprenons bien il n’y a lieu d’y avoir de condition, que pour qu’une chose “soit”, mais qu’il n’y a pas lieu d’y avoir de condition, pour ce qui n’est pas, puisque justement il n’est pas, ce qui serait une condition pour rien.
 
En fait, s’il ne peut pas y avoir de condition à l’établissement d’une potentialité, c’est parce que celle-ci constitue déjà la condition d’une réalité, et qu’il n’y a pas lieu d’y avoir une condition de la condition, ce qui n’aurait aucun sens.

Aucune condition limitative ne s’appliquant à l’étendue de la potentialité, ceci signifie bien que celle-ci est sans limite, ce qui revient à dire que “tout se peut”, et “tout le temps”.

Cependant, la réalisation de l’existence selon une étendue limitée, s’opérant à partir d’une potentialité sans limite de celle-ci, implique alors que si “tout se peut et tout le temps”, pour autant, tout ne peut pas “être” en “même temps”, l’étendue de l’existence étant limitée.

Nous apercevons ainsi que ce phénomène dont la résolution nous est si difficile, et que nous appelons le “temps”, n’est finalement rien d’autre que la procédure de détermination “conditionnelle”, et par cela “limitative”, selon laquelle l’étendue limitée de la réalité de l’existence, s’établit à partir de la potentialité sans limite de celle-ci.

Soyons alors bien attentifs ici au fait que ceci signifie clairement, qu’il ne peut se produire “l’apparition” d’une chose nouvelle dans l’étendue limitée et évidemment pleine de l’existence, qu’à la condition qu’en quelque sorte une “place ” soit faite à cette nouvelle chose, par la “disparition” d’une chose déjà existante.

Ainsi, les choses de notre univers ayant fatalement toutes vocation à disparaitre, leur disparition permet l’apparition d’autres choses qui à leur tour disparaitront, pour permettre l’apparition d’autres choses encore, et ainsi de suite tout au long du développement sans fin, du temps.

Cependant, les hommes soucieux de parvenir autant que possible à une maitrise de leur “destinée”, autrement dit à une maitrise du temps, pour faire en sorte qu’il ne leur advienne selon ce temps que pour le mieux, ont eu très tôt l’idée de “forcer” en quelque sorte l’apparition d’une chose souhaitée, en provoquant avant sa fin naturelle, la disparition d’une chose déjà existante et censée favoriser par sa disparition, l’émergence de la chose souhaitée.

Telle était donc la fonctionnalité du “sacrifice”, autrement dit de la “mise au secret”, hors du domaine des réalités, d’une chose, par un retour de cette chose, de l’état de sa réalité “concrète”, c’est à dire constituée comme un “entier”, à celui de sa potentialité “discrète”, c’est-à-dire réduite en sa “disparité”, telle qu’elle est précisément dite “disparue”. Et ceci, pour permettre l’émergence volontaire, et non aléatoire, d’une chose jugée nécessaire.

Comprenons alors maintenant, que s’il est possible par le sacrifice, de provoquer indirectement l’apparition d’une chose, en provoquant volontairement la disparition d’une autre, compte tenu de la parfaite “réversibilité” du sens de la dualité “ potentialité/réalité”, ceci signifie que symétriquement, en provoquant volontairement l’apparition d’une chose, et tel est bien l’objet de l’acte sexuel dans sa fonction procréatrice, on provoque indirectement la disparition d’une autre chose, et cette mise au secret, est strictement cohérente au “sacrifice”.

Ainsi l’acte sexuel constitue-t-il bel et bien lorsqu’il est l’occasion d’une procréation, un “acte sacrificiel”, qui provoque fatalement la disparition d’une chose, laquelle peut-être sait-on jamais, la disparition d’un être et heureusement pour nous, nous demeurons totalement dans l’ignorance des ses conséquences en “second objet”, ce qui autrement nous poserait d’énormes problèmes de conscience.

Cependant, nous pouvons déjà comprendre dès maintenant, que lorsque les prélats du Vatican condamnent fermement l’avortement, c’est parce qu’il savent bien, même si leur connaissance de ce fait ne suit pas le chemin que nous venons d’emprunter, que cet acte qui ne constitue finalement rien d’autre qu’un “sacrifice”, possède des conséquences quant à ce qu’il nous advient, qui sont absolument dramatiques, mais au sujet desquelles je n’ouvrirai pas le débat ici, pour ne pas avoir à faire à d’inévitables et furieuses contestations...!

Après tout hein...!


                             Paris, le 26 avril 2013
                


             

    

                Richard Pulvar

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