lundi 2 décembre 2013

CES VAILLANTES PIONNIERES...



Elles étaient femmes, et elles étaient noires, et elles durent donc lutter pour se réaliser, contre cette alliance redoutable du machisme et du racisme qui comme ailleurs en ces temps, sévissaient si cruellement aux Etats Unis. Et, c’est en étant déterminées par une force inexplicable mais admirable, qu’elles parvinrent à faire de leurs vies, de véritables exploits...

Cependant, pire encore que toutes les obstructions objectives qui leurs furent faites, leur premier et plus redoutable combat fut de lutter par toutes les forces de leur esprit, contre l’idée qu’elles souffriraient d’une infériorité en tant que femme, et aggravée en tant que noire. Car c’est bien cette idée que cette société tendait à leur faire admettre comme étant la raison. Elles durent ainsi déjà lutter pour pouvoir se sentir en elles-mêmes, capables, malgré tous ces préjugés, pour acquérir et conserver une pleine confiance en elles, espérer pour ensuite tenter, et persévérer pour finalement parvenir et triompher...

C’est en ce sens que leur lutte fut exemplaire et s’est faite pour notre bénéfice à tous. Car, l’intériorisation d’une image infériorisée de soi-même, constitue le plus cruel, le plus cynique et le plus terrifiant des instruments que mettent en œuvre contre ceux qu’ils veulent soumettre, ces hommes prédateurs de leur propre espèce, animés par les forces de domination. Et il est certain que ce procédé indigne et même criminel, se trouve à l’origine de quantités de naufrages humains et de vies dévastées, lesquelles auraient tout au contraire nécessité d’être rassurées et encouragées, dans ce qu’elles possédaient forcément de bon.

1. La première de ces vaillantes que nous envisageons ici, parmi quantités d’autres, travaillait comme nurse de sorte que la santé des enfants la préoccupait. C’est en forçant les choses par un formidable coup d’audace en pleine guerre de sécession, en profitant alors de cette époque incertaine où d’aucun ne savait s’il devait encore se montrer ségrégationniste, puisqu’il ne pouvait déjà plus être esclavagiste, que Rebecca Crumplers parvint à se faire accepter dans un collège de médecine où jusqu’alors, on ignorait presque jusqu’à l’existence même des noirs. Elle en ressortira comme étant la première femme noire médecin, en 1864.

2. La seconde était fille d’un pasteur abolitionniste, et sachant bien qu’elle serait fatalement démasquée, mais comptant sur un effet produit par ce coup d’audace et sur la chance qui dit-on, sourit aux audacieux, c’est par le subterfuge qui consista à masquer par un faux prénom, au moins son genre, à défaut de masquer sa race, que Charlotte E. Ray fit acte de candidature, et parvint à obtenir une place parmi les quelques rares qui étaient réservées à des hommes noirs, pour pouvoir effectuer des études de droit. Elle deviendra ainsi la première femme noire juge en 1872, avant de devenir plus tard professeur de droit à l’université.

3. Issue d’une famille dissolue, et ayant fait pour cela un mariage refuge dès l’âge de 14 ans, celle qui après s’être débarrassée de trois maris successifs prendra finalement le nom de Madam CJ Walker, et que l’on voit ici fièrement au volant de sa Ford, souffrait, alors qu’elle travaillait en 1890 comme servante, d’une maladie du cuir chevelu lui faisant perdre ses cheveux. Elle essaya pour se soigner quelques remèdes de guérisseurs de sa communauté, et suite au succès sur elle de ceux-là, elle eut l’idée de les commercialiser et développa dans la foulée des cosmétiques. Ceux-ci eurent d’emblée un très grand succès auprès des femmes noires qui jusqu’alors, n’avaient strictement rien qui leur était spécifiquement destiné.

Elle fondera en 1908 une école de soins de beauté, et en 1910 une usine de produits de base qui jusqu’en 1918, commercialisera plus de 8000 produits chimiques divers.

Elle devint alors richissime, la première grande femme d’affaire noire américaine, se fit construire une magnifique demeure qui lui servira également de centre de conférence, et fait notable, elle profitera de sa fortune pour financer plusieurs mouvements de lutte pour l’égalité des droits...

4. Alors qu’elle n’a que 23 ans, la jeune Bessie Coleman rêve et se passionne pour les histoires racontées par les pilotes qui reviennent de la première guerre mondiale, et s’y voit.

N’ayant absolument aucune chance de se faire accepter dans les écoles américaines de pilotage, parce que femme et de plus, parce que noire, afin de pouvoir vivre sa passion, elle prend des cours de français et, suivant ainsi les traces de son idole, l’as noir américain Eugène Bullard, elle se rend à Paris en 1920 pour apprendre à piloter et de là-bas en juin 1921, devint la première femme noire au monde à devenir pilote.

S’étant patiemment aguerrie auprès des as français, et ayant atteint par cela la pleine maitrise de son art, elle fit par ses démonstrations un triomphe à son retour aux Etats Unis, mais malheureusement, elle meurt en 1926, au cours d’une séance d’essais.

5. C’est sous Lyndon Johnson qu’en 1965, s’étant faite remarquée pour ses qualités professionnelles, et alors qu’en ces temps ou sévissait encore le Ku Klux Klan et où les noirs venant à peine d’obtenir l’égalité des droits, personne n’aurait imaginé une seconde qu’une des leurs pourrait avoir la haute fonction de représenter la nation, que Patricia Harris devint la première femme noire ambassadrice des Etats Unis d’Amérique. Plus tard, sous la présidence de Jimmy Carter en 1997, elle deviendra même la première femme noire secrétaire d’état.

6. Pourtant fille de modestes ouvriers, mais n’étant pas privée de détermination et de rage de vaincre, Shirley Chrisholm devint tout d’abord diplômée de l’université de Columbia, et ensuite une autorité reconnue en matière d’éducation.

C’est alors que malgré l’ambiance et l’incertitude de ces années là, le peut de chances qui semblaient être les siennes, elle eut l’audace et le cran malgré bien des réticences, de se lancer en politique. Elle deviendra alors à la surprise des uns et à la consternation des autres, la première femme noire élue au congrès, et elle le fut heureusement car de 1968 à 1983, elle n’accumulera rien de moins que sept mandats...

7. C’était une chanteuse de jazz, très impliquée au travers de cette musique, quant à la condition des siens et, se mettant en accord avec les idées qu’elle défendait, Loretta Glickman décide avec courage et en en connaissant tous les dangers et tous les aléas, de se lancer en politique. Elle deviendra alors à Pasadena, la première femme noire à devenir maire d’une grande ville américaine, en 1982...

Ainsi, la voie fut ouverte par ces pionnières de sorte qu’il n’est plus rien qui ne puisse faire partie de l’imaginaire de jeunes hommes et surtout de jeunes femmes noires, lesquels peuvent désormais s’envisager sans aucun complexe dans les fonctions les plus prestigieuses.

Mais disons encore que tout ceci vaut également pour nous tous, pour tous ceux qui de par le monde, luttent contre leur infériorisation mentale, par une autre classe, une autre race, ou une autre culture, et dont les effets sont encore plus dévastateurs que ceux de la soumission physique...

Et, ceci vaut également pour nous autres à Paris, face aux mafias qui se sont emparées des rênes du pouvoir, et qui s’emploient alors à nous dévaloriser et nous culpabiliser, pour nous faire accepter comme étant de notre responsabilité, et en arguant de notre prétendue inadaptation aux exigences du triomphe productiviste, comme il fut dit pareillement dans le temps et quant aux exigences sociales, des femmes et des noirs, les conséquences désastreuses des politiques de déni de progrès qu’ils ont menées, pour satisfaire leur soif de privilège et de domination.

Ainsi, comprenons à l’instar de ces vaillantes, que nous ne nous retrouverons en pleine possession de nos moyens, dans la voie du succès, que quant nous cesserons de nous voir infériorisés et donner la leçon, par ces malfaisants cravatés qui prétendent que leurs échecs manifestes, leur totale impuissance quant au règlement des moindres difficultés qui se posent, sont dus à la mauvaise qualité du peuple, dont ils se sont fait les dirigeants par la combine politico-médiatique, et que cette récupération de nos moyens et par là, de nos responsabilités, nécessite tout d’abord que nous chassions ces imposteurs...



Paris, le 2 octobre 2013
Richard Pulvar

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