mardi 28 septembre 2010

L'EXERCICE NEGATIF DU POUVOIR

Les grands pharaons de l’Egypte ancienne, si bien inspirés qu’ils étaient par le ciel, comprenaient bien que le pouvoir ne pouvait être sainement exercé, que selon un équilibre entre ses deux formes fondamentales, à savoir, sa forme “positive”, c’est à dire “obliger”, autrement dit, faire en sorte “qu’il soit”, et bien sûr pour le mieux, et sa forme “négative”, c’est à dire “empêcher”, ou faire en sorte “qu’il ne soit pas”, quant aux choses dommageables. C’est pourquoi, selon la métaphore du “pasteur” gardien de son troupeau, ils arboraient croisés sur leur poitrine, les deux instruments principaux de celui-ci, c’est à dire le “crochet”, qui permettait d’attraper les bêtes par le collier, et de les tirer vers soi, donc de les “obliger”, et le “fouet”, qui permettait au contraire de les chasser, autrement dit, de les “empêcher”.

C’est bien ces deux aspects, tout à la fois opposés, mais indissociables l’un de l’autre, de l’exercice du pouvoir, qu’exprimait le grand Ford, l’industriel constructeur d’automobile, dans sa recommandation aux chefs d’entreprise :

“ne rien faire, tout faire, faire, et ne rien laisser faire”

Enfin, c’est également et de façon surprenante, cette dualité fondamentale du pouvoir, qui se trouve signifiée selon “l’ésotérisme”, qui à ce jour demeure généralement insoupçonné, du drapeau tricolore, et qui confirme le rôle particulier de cette nation, la France, quant aux messages qu’elle se doit d’apporter au monde, dans la voie de l’universalité.

Nous connaissons “l’historicité” de ce drapeau. Les insurgés se rendent à Versailles, au devant du roi, brandissant des drapeaux bleus et rouges, aux couleurs de la ville de Paris, afin de lui faire part en ce lieu, de leurs récriminations. Le roi les reçoit du haut de son balcon, et en signe d’apaisement, pour montrer qu’il entend leur requête, il décide d’arborer lui aussi, une cocarde révolutionnaire alors bleue et rouge. Le pire sembla un instant pouvoir être évité, et pensant avoir un peu acquis le roi à leur cause, en signe de réciprocité de cette confiance, les insurgés décident d’adjoindre à leurs couleurs bleu et rouge, le blanc de la monarchie.

Ceci nous le savons, n’allait pas suffire, mais le drapeau tricolore était né.

Cependant, tous ceux qui s’intéressent à ces questions savent qu’il existe forcément, une “logique cachée” des choses, corrélative à une “universalité du sens” pour les humains. Ceci, de sorte que hors des conventions comme celles de l’écriture, tout ce qu’ils perçoivent, comme les couleurs, les odeurs, les sons, ou le geste, leur demeure intuitivement signifiant. Ainsi, la couleur bleue, nous est-elle intuitivement signifiante de “l’obligation”, et il est manifeste que tous les signaux d’obligation de notre code de la route, sont sur fond bleu. Quant à elle, la couleur rouge est clairement signifiante de l’interdiction, comme le feu rouge, et tous les signaux d’interdiction de notre code de la route, qui sont cernés de rouge.

La couleur blanche quant à elle, évoquant le fait “qu’il n’y a rien”, donc le “ non lieu”, ou encore, le manque de quelque implication de quoi que ce soit, signifie le champ libre.

Ainsi, ce drapeau tricolore, emblème d’une démocratie naissante, signifiait-il, par delà la conscience même de ceux qui l’ont composé, que la “liberté” se trouvait encadrée, et par-là, “déterminée”, entre ce à quoi on s’oblige, et ce qu’on s’interdit, limites sans lesquelles il n’existe pas de “réelle” liberté. Ceci, en comprenant bien que par définition il ne peut y avoir de réalité que “déterminée”, puisque tel qu’il est justement dit, l’indéterminé n’en relève pas.

Curieusement, cette compréhension intuitive de la règle, n’a jamais été conscientisée, et dans les années soixante dix, alors qu’il demeurait encore un des puissants partis du pays, au slogan de la droite, chargé affectivement de sens, mais totalement vide de réalité, et qui se contentait de célébrer tout simplement “la liberté”, comme telle, indéterminée, et donc sans courir le risque de se voir contester, le parti communiste proposait très justement quant à lui, d’organiser “les libertés”. Ceci, étant bien entendu qu’on de saurait admettre la liberté de l’exploiteur d’exploiter, ou du profiteur de profiter, pas plus que celle du voleur de voler, ou celle du violeur de violer, et il est clair que, hors de toute spécification, rien ne pouvait s’opposer au nom d’une liberté indéterminée, à la volonté de ceux-ci de l’exercer. Et ceci, même si confusément au fond de lui, chacun comprend bien la nécessité de ne pas tout laisser faire. Mais, contester qu’il s’agit en ceux-ci, d’exercices de liberté, nécessite que soient établis formellement selon celle-ci, les gestes admis, tels qu’œuvrer pour le bien commun, les gestes obligés, tels que payer ses impôts, et les gestes interdits, tels que procéder à de l’évasion fiscale, ce qui revient bien à organiser les libertés.

Malheureusement en ces années, le parti communiste était très logiquement suspecté, de ne vouloir organiser les libertés qu’à son seul profit, comme les chers camarades l’avaient fait derrière le tristement célèbre “rideau de fer”, et sa vassalité affichée au parti communiste de l’Union Soviétique, de même que les justifications embarrassées de son premier secrétaire, quant à la politique totalement liberticide menée dans ce pays, ont bien sûr constitué l’aubaine des propagandistes de la droite.

C’est donc selon cette idée d’une liberté indéterminée, présentée comme le caractère d’un “monde libre” dans lequel se comptaient pourtant Pinochet, Salazar, Mobutu et Marcos, entre autres, et qui n’est finalement que la loi du plus fort, auquel le plus faible ne peut être soumis qu’en toute liberté, puisque contrairement à celui de l’est, celui-ci pouvait toujours s’en aller se faire voir ailleurs, que notre monde serait presque exclusivement organisé. Ceci, à cause de la malhonnêteté intellectuelle d’une gauche qui n’aura jamais voulu comprendre, que même s’il s’opère en son nom, un crime demeure un crime.

Ce qui pose problème aujourd’hui, c’est qu’à l’heure où la liberté laissée aux parasites financiers, aura bientôt conduit au bord de la faillite, bon nombre de nos sociétés, un exercice “positif” du pouvoir, dans le sens de faire en sorte que soient la croissance, l’emploi, le revenu décent, le logement, le soin, l’éducation, et l’équipement public n’est quasiment plus possible. Or, les assoiffés de pouvoir, qui ont tant ferraillé et bataillé, afin de pouvoir enfin “jouir” de cet exercice, ne peuvent se résigner au constat qu’ils ne peuvent rien, autrement dit, qu’ils n’ont en réalité “aucun pouvoir”. Dès lors, il ne leur reste pour tenter de parvenir à l’orgasme, et après avoir bandé si longtemps sous cette vaine promesse de plaisir, que de s’adonner sans retenue aux seules cabrioles qu’il leur soient possibles, celles de l’exercice négatif du pouvoir.

Ils vont donc empêcher, interdire, exclure, déposséder, dénigrer, arrêter, incarcérer, et ceci, avec une frénésie d’autant plus grande, que malgré tout cela, “ça ne vient toujours pas”, le soulagement n’est pas là, et il n’est d’ailleurs qu’à observer leurs visages désenchantés, pour s’en rendre compte.

Or, nous avons vu que la liberté ne pouvait résulter que d’un exercice équilibré entre les deux formes de pouvoir, c’est dire si cette obsession négative, au nom de notre sécurité, est en réalité totalement liberticide, ce que nous sentons bien.

Voilà où nous en sommes, et d’où il faudra bien nous dégager, en récupérant selon sa secrète signification, ce drapeau maintes fois profané…

Paris le 28 septembre 2010
Richard Pulvar

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