lundi 24 octobre 2011

DICTATURE ET LIBERTE




Ce n’est que lorsque le peuple se soumet de lui-même, aux règles implacables d’une dictature, sous le prétexte que la loi qui le contraint, n’est, par le moyen de ses représentants, qu’une émanation de lui-même, qu’il s’agit alors en une telle société, d’une société dite “libre”.

Nous avons vu comment la justification d’un “interventionnisme ”, qu’il nous faut désormais craindre devenir systématique, des puissances occidentales et particulièrement, de la France et des Etats-Unis d’Amérique, nations rivales depuis toujours, dans leur égale prétention à se poser en modèle de société pour les autres peuples, dans les affaires intérieures de pays souverains, aura été de prétendre lutter pour le seul bénéfice de ceux-ci, contre les dictatures qui les contraignaient, et de leur apporter par cela, la “démocratie”.

Tout a déjà été dit, sur le caractère outrancier de ces justifications mensongères, et quant aux raisons véritables et inavouables, de ces interventions guerrières criminelles. Mais, ce qu’il nous faut remarquer ici, c’est que combien mêmes ces intentions proclamées auraient-elles été sincères, elles n’auraient pas pour autant été fondées. Car, elles font suite en réalité, à d’autres justifications de cette détermination à ingérer chez les autres, tout aussi mensongères, mais dont on aurait pu à l’époque, soutenir les intentions déclarées, qui étaient alors de faire acquérir à des peuples lointains, la “vraie foi”, celle des Européens selon eux-mêmes, afin de gagner pour ces peuples, le salut de leurs âmes, et de les faire bénéficier des avancées sociales de la “civilisation”, dont là encore, les européens se proclamaient en être les seuls porteurs.

Il est clair qu’aujourd’hui nous envisagerions ces prétentions avec beaucoup plus de circonspection, et nous devons en faire de même, par delà le fait qu’il ne s’agit ici que d’un prétexte, quant à la positivité de cette intention, aurait-elle été sincère, de porter la démocratie chez les autres peuples en luttant contre la dictature, car il s’avère que cette démocratie, ne peut absolument pas s’imposer chez quelque peuple que ce soit, comme une incohérence trop flagrante dans son développement historique autonome.

Ce dont il s’agit ici, c’est en fait de la question particulièrement délicate, du rapport fatalement contradictoire de l’autorité nécessaire, donc d’un encadrement de “la liberté”, pour faire en sorte que puissent précisément être respectées “les libertés ”.

Toute notre difficulté dans cette affaire, vient de cette habitude lointaine que nous avons de parler de “la liberté”, d’une façon globalisante et comme telle, “indéterminée ”. L’idée qu’il est nécessaire que soit instaurée et défendue à tout prix, “la liberté”, est l’objet d’un acquiescement consensuel et spontané, quasi religieux, dont la contestation devient dès lors particulièrement périlleuse, pour ceux qui s’y tentent. Et ceci, alors même qu’en toute rigueur, et par delà les acceptions confuses que peuvent en avoir les uns et les autres, cette idée “in extenso” de “la liberté”, ne veut strictement rien dire. Car, jusqu’aux confins de notre univers, “l’indéterminé”, précisément parce que tel, ne peut avoir d’existence.

En réalité, il faudrait parler plus exactement des “libertés”, c’est à dire de nos seules expressions sans contraintes, autorisées parce qu’elles ne portent pas atteinte à l’ordre public, et étant bien entendu que dès lors qu’on parle d’ordre public, il s’agit en celui-ci d’une atteinte à l’expression sans limite, donc indéterminée, de la liberté.

Car, il est bien évident qu’on ne saurait sainement invoquer une liberté des voleurs, des violeurs, et des assassins, de se satisfaire, alors qu’il s’agit bel et bien dans ces cas, de libertés d’agir que ces gens s’accordent, et que dans sa globalité, la liberté indéterminée contient.

Donc la “liberté”, sans autre précision, cela ne veut strictement rien dire, puisqu’il peut se réaliser d’elle, tout et son contraire. Il ne peut y avoir positivement, c’est à dire en accord avec nos aspirations fondamentales, que des “libertés”, sérieusement encadrées, et par cela même, “garanties”, par les règles inflexibles d’un ordre public très strict.

Partant de là, tout le paradoxe qui nous pose problème ici, c’est que ce n’est que par une “restriction autoritaire”, que l’on pourrait même dire “dictatoriale”, dans la mesure où elle se passe totalement de la libre appréciation par chacun de nous, de son bien fondé, du champ global d’expression de la liberté, que nous sommes en mesure de bénéficier des libertés.

En réalité, dans les pays dits “libres”, les citoyens s’accordent, par la voie de leurs représentants, auxquels ils confient la charge de dire les lois, et en leur faisant confiance pour cela, pour s’imposer à eux mêmes, toutes les restrictions à leur liberté, qui leur permettrons de pouvoir bénéficier en toute sécurité et en toute sérénité, c’est à dire à l’abri des malveillants, pourchassés quant à eux par la loi, des libertés dont ils disposent selon cette loi, et seulement de celles-ci.
C'est donc paradoxalement, “le plein accord”, autrement dit, “l’auto-soumission”, des citoyens à des “lois”, qui constituent autant d’empêchements implacables à l’expression de leur totale liberté, qui fait de ces pays, des espaces de liberté, autrement dit des sociétés libres. Et ceci, parce que ces lois sont supposées n’être que des émanations du “peuple” lui-même, formulées pour lui par ses représentants, alors que ce n’est pas le cas des dictatures, qui se passent de feindre d’avoir assis leur autorité, sur la volonté du peuple.

Mais en réalité, loin d’être des endroits paisibles de toutes les expériences possibles, les pays dits libres, disposent en fait d’un arsenal répressif impressionnant, pour contraindre sans aucun ménagement, tous les marginaux que leur philosophie rend insoumis aux règles dictatoriales qui les régissent. Mais fort heureusement, ces procédures sont rarement utilisées, ce qui ne permet pas de révéler la base dictatoriale des dispositions qu’elles protègent. Et ceci, tout simplement parce que les citoyens de ces pays ont acquis par l’usage et sur la durée, cette saine habitude “d’auto-discipline” et de soumission totale à la loi. Ceci les amène à respecter sans en ressentir aucune contrainte, un nombre incalculable d’interdictions et d’obligations, qui encadrent très strictement leurs moindres faits et gestes, et dont à la longue ils n’ont même plus conscience. Mais tout cela deviendrait vite pour eux un véritable empoisonnement, s’ils devaient avoir un jour le moindre doute quant à légitimité de ces règlements, c’est à dire quant au fait qu’il s’agit bien en ces dispositions, d’une manifestation de leur propre volonté, traduite selon des textes par leur représentants. Car c’est alors qu’ils se sauraient en dictature, en se soumettant exactement aux mêmes règlements, et sans que ceux-ci pourtant, ne les contraignent davantage en rien.

Nous pouvons nous faire dès aujourd’hui, une idée de ce que pourraient être ce ressentiment, à l’heure où les citoyens de ce pays, sont de moins en moins persuadés que le fait pour des gouvernants, de venir faire les poches de leurs concitoyens, pour aller renflouer des “banksters ” les ayant financés pour qu’ils accèdent au pouvoir, correspond effectivement à l’expression d’une volonté d’une majorité d’entre eux. L’heure du désenchantement, et de la révélation du caractère dictatorial de ce régime, dont personne n’avait cure tant que tout de passait bien, approche.

Retenons donc bien à cette occasion, que tant que les choses se passent bien dans un pays, les citoyens de ce pays se moquent bien de savoir s’ils sont sous un régime dictatorial ou non.

C’est ainsi que s’étonner qu’un dictateur officiel, c’est à dire un homme qui ne s’était par retranché comme beaucoup d’autres, derrière un simulacre de procédures démocratiques, pour justifier son exercice du pouvoir, ait pu tenir malgré cela la barre dans son pays pendant plus de quarante ans, c’est ne pas vouloir savoir si ceci étant, ses habitants vivaient bien.

De tout cela, il apparait qu’être “libre” dans une société, ce n’est pas pouvoir se livrer simplement à la seule réalisation de notre bon vouloir, car bien des contraintes sociales viendront s’opposer bien vite, et parfois durement, à ce projet. Mais, c’est de se trouver dans une situation où, compte tenu de notre “auto-discipline acquise”, les intentions qui sont alors les nôtres d’exercer, à partir de cette base culturelle, se trouvent parfaitement en accord avec la nécessité sociale, telle que celle-ci se trouve déterminée strictement par la loi. Dans ce cas en effet, cette société qui dès lors, n’oppose rien à la réalisation de notre projet, devient pour nous un espace de liberté, dans lequel nous ne subissons aucune contrainte...

Il n’y a donc liberté, que par auto-soumission à la loi dictatoriale, dès lors que les formes “apparentes” de sa rédaction, peuvent laisser penser qu’il s’agit bien en celle-ci, de l’expression de la volonté du peuple, et ce, même si en réalité, il est clair qu’il ne s’agit tout simplement, que de celle des dirigeants, dont c’est le rôle de définir en leur âme et conscience, ce qui pourrait constituer la faveur du peuple.

La conséquence de tout cela, c’est que pour les pays dans lesquels les populations ne sont pas encore acquises à l’impérieuse nécessité de respecter scrupuleusement la loi en toutes circonstances, parce que la rédaction de celle-ci s’est faite bien trop éloignée d’eux, pour qu’elle puisse paraitre être une émanation de leur volonté majoritaire, et où elles ne bénéficient donc pas de cette “auto-discipline acquise”, qui éloigne dès le départ les citoyens, d’envisager des projets “anti-sociaux”, il n’y a alors plus que des régimes très autoritaires, qui permettent de faire respecter un tant soit peu la loi. Et ceci, afin que puissent au moins être aménagées, quelques libertés fondamentales.

Avant donc de pouvoir ainsi atteindre la liberté des pays dit “libres”, ceux qui n’en sont pas encore à ce stade, ne peuvent paradoxalement pas faire l’économie, d’une phase transitoire autoritaire historique, pour pouvoir passer de la “pagaille”, à cause de laquelle se trouve niées bien des libertés fondamentales, telles que celle de pouvoir “aller” tranquillement en tous lieux et en toutes circonstances, sans se faire ni voler, ni agresser, ni assassiner, à la situation des sociétés libres.

Dès lors, s’en venir d’au-delà des mers, dans des contrées dont on ignore tout, en prétendant instaurer en deux coup de cuillère à pot, un mode de fonctionnement occidental dit “démocratie”, en ne tenant aucun compte du fait que les régimes autoritaires qui persistent ça et là, correspondent tout simplement à une phase logique du développement historique de ces nations, c’est les engager dans des spirales désastreuses à l’irakienne, où huit années après que la “tyrannie” fut prétendument remplacé par la “démocratie”, on y vit tous les jours dans la terreur, dans la privation totale de cette liberté fondamentale de pouvoir aller en sécurité, et on y meurt dans des attentats d’une totale cruauté.

C’est malheureusement ce même scénario, que certains, parvenu par la combine et par la compromission, à se hisser aux plus hautes responsabilité de leurs nations, ont infligé à deux nouvelles nations, la Côte d’Ivoire et la Libye, qui se trouvent bel et bien l’une et l’autre, face à un développement à l’irakienne.

Il est plus que temps d’en finir une bonne fois, compte tenu de ses implications désastreuses, avec cette mentalité stupide et totalement malfaisante, de colonialiste.

Evidemment, tout cela ne signifie pas qu’il faut se résigner à supporter toutes les dictatures infâmes qui offensent encore notre planète. Mais, dans les formes accablantes que celles-ci prennent parfois, il en incombe à ceux qui sont directement concernés, et à ceux-là seulement, de s’employer avec toute leur énergie et leur sens du sacrifice, à s’en défaire. Ceci, de façon à ce que cette action révolutionnaire s’inscrive dans la logique historique de leur pays, en traduisant par cela même, la maturité politique à laquelle est parvenu leur peuple. Car, celle-ci constitue la seule garantie pour celui-ci, de parvenir dans un délai raisonnable à sortir des troubles, et que puisse s’établir le règne de la loi acceptée par tous, afin de la liberté.


Paris, le 24 octobre 2011
Richard Pulvar

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