C’est sous
le prétexte de “réformes” nécessaires, et avec cet abus facile de langage qui
consiste à identifier tout changement, même le plus attentatoire aux règles
sociales auxquelles nous étions parvenus au bout d’années d’un âpre combat, à
un “progrès”, qu’en prétendant nous faire ainsi atteindre le maximum de
l’efficacité productiviste, ceux qui se chargent de gérer le produit de
l’effort des autres ont entrepris de lever toutes les barrières qui jusqu’ici,
s’opposaient encore à la libre entreprise des prédateurs.
L’idée qui
sous-tend cette démarche est celle selon laquelle le déficit d’emploi dont l’anticipation
fut volontairement négligée par tous ceux qui ne voulaient surtout pas voir
s’imposer selon la logique des temps, un nouvel ordre social, ce chômage qui
gangrène désormais totalement notre société, ne serait nullement du aux progrès
des sciences et des techniques qui, grâce à la mécanisation et la robotisation,
ont logiquement provoqué une augmentation considérable de la productivité, en
libérant ainsi un grand nombre de personnes du labeur, puisqu’il est clair que
cela serait une très bonne chose…
Non, selon
ces gens qui sont les défenseurs d’un ordre selon lequel le grand nombre des
communs doit se soumettre à une classe de superbes lui permettant de pouvoir
bénéficier de la partie non détournée par cette classe, du produit de son
propre effort, ce déficit d’emploi ne serait du qu’au fait que les employeurs
potentiels, soumis à concurrence, ne sont en mesure de proposer un emploi qu’à
la condition que son bénéficiaire renonce une bonne fois, à l’idée de pouvoir
en vivre correctement. Ceci, parce que dans une logique inégalitaire des choses
de ce monde, arrivent en lui en étant caractérisés dès le berceau, des bons, et
des moins bons...
Ainsi,
accepter de vivre dans la précarité et dans le dénuement, serait désormais
selon cette nouvelle école, la seule voie conduisant le commun vers l’espérance
d’un emploi…
Par delà le
cynisme qui sous-tend cette nouvelle politique qui est justement dite ni de
gauche ni de droite, puisqu’elle nous ramène au temps des hommes des cavernes
où ces notions n’existaient pas, elle révèle ce qui est devenu une incohérence
en notre époque où il est encore question pour tant de gens, de vendre leur
force de travail à quelqu’un qui, pour le service de le revendre sous des
formes diverses à d’autres, non seulement prélève pour lui une part importante
de son rapport, mais s’érige en “autorité” non redevable, sur son employé…
Il est
clair que ce rapport de maître à esclave qui reste sous une forme heureusement
atténuée, mais avec ce que cela suppose fonctionnellement d’exploitation de
l’un par l’autre, dans le “salariat”, constitue la barrière fondamentale qui
désormais s’oppose au progrès et qui va nécessiter pour son dépassement, que
soit ouvert à son sujet un vase débat public pour pouvoir définir ce que
devront être les nouveaux comportements adaptés. Car tout le luxe de
dispositions règlementaires que pourraient prendre les gouvernants dans le sens
du respect de la juste rétribution de l’effort du salarié, de sa protection, et
de sa dignité, ne forceront les employeurs, ni a investir ici, ni à
entreprendre ici, ni à embaucher ici, ni a ne pas délocaliser.
Dans une
telle situation, les gouvernements ne peuvent être que ce qu’ils sont devenus,
c’est-à-dire des “instruments” mis en place et sous le contrôle des puissants,
pour pouvoir imposer au peuple les conditions de son exploitation maximale par
ceux-ci…
Il est
facile de le comprendre et surtout, il est temps que les uns et les autres
s’activent, pour que nous sortions de cette impasse que constitue la
persistance à notre époque, de la soumission à un employeur particulier auquel
des citoyens vont vendre leurs efforts, alors qu’ils devraient conjuguer
ceux-là dans une structure dont ils auraient eux-mêmes la gestion.
Il s’agit
là du rêve d’autogestion qui fut cher à Michel Rocard qui de toute évidence,
était trop en avance sur son temps, mais qu’il serait temps de ressortir du
tiroir, pour qu’il puisse absolument y avoir en notre société, “progrès”…
Car c’est
bien là, en le déni de progrès, que se situe le pire des dangers actuels pour
notre société, et accepter de vivre plus mal que les générations précédentes
qui avaient atteint le niveau de protection social dont il nous reste encore
heureusement quelque chose, mais plus pour bien longtemps au train où vont les
choses, et préparer nos enfants pour un monde encore plus redoutable livré
comme espace de chasse aux prédateurs, peut être dénoncé comme étant un
véritable “crime contre l’humanité”…
Ne perdons
pas de vue en effet que c’est selon une “exigence sociale” que nous nous sommes
réalisés comme étant des “humains”. Car, ce qui différencie fondamentalement
l’humain du reste du règne animal, c’est le fait que celui-ci soumet sa
“nature” à une “culture” qui la contraint, soit en réprimant tous les
comportements naturels jugés socialement néfastes, ou tout au contraire en
exploitant ces comportements au-delà de leur expression naturelle, s’il sont
jugés socialement positif. Cette contrainte s’opère alors selon un certain
nombre de “scrupules”, qui sont des obligations morales aux implications
“comportementales”, dont il faut tout de suite remarquer qu’elles ne sont
d’absolument aucune utilité quant à sa survie, et c’est ce qui explique que les
animaux s’en passent totalement et survivent malgré cela, mais qu’elles répondent
aux exigences d’un ordre préférentiel “affectif” et par le fait totalement
“arbitraire”, des choses.
C’est dans
cette soumission d’un animal devenu “bipède” du fait même du “tropisme” selon
lequel s’exerce sur lui une détermination culturelle, que réside le grand
mystère de cette exception humaine au sein du règne animal, qu’il serait bien
trop long de développer ici. Et, c’est en ce sens qu’il sera précisément dit
“humanus”, pour signifier cet être qui possède donc “la main” (manus),
autrement dit, la “maitrise”, sur “lui-même” (hu). Ceci dans une finalité
“sociale”, qui va conduire au fait de “civilisation” qui constitue la grande
aventure humaine…
Il s’agit
donc fondamentalement en “l’homme”, d’un être dont “l’animalité” naturelle,
avec sa fonction prédatrice, doit être en permanence contrainte dans ses
expressions par son “humanité” culturelle, afin qu’il puisse demeurer un être
“humain”, et tel est selon cette “contrainte”, sa condition même…
C’est
d’ailleurs bien cette notion de contrainte que constitue la condition humaine
du fait de l’exigence culturelle dont procède l’homme, que représentaient les
anciens Egyptiens avec le grand “Sphinx”, dont le nom est tiré du mot grec
“sphynge” qui signifie précisément la
“contrainte”, et qui possède un corps de lion pour représenter l’animalité de
l’homme selon sa fonction prédatrice, surmontée d’une tête d’homme pour
représenter son humanité selon une exigence culturelle…
Retenons
donc que c’est selon une exigence culturelle à l’implication “sociale”, que non
seulement, nous sommes et demeurons établis comme étant des hommes, mais que se
trouvent sous-tendues nos civilisations mêmes, et mesurons bien toute la
gravité de cette situation de renoncement à cette exigence sociale qui nous est
imposée par les agents des puissances financières. Car, il ne s’agit ni plus ni
moins que d’une attaque contre les fondements mêmes de notre humanité et de nos
civilisations…
Résistons… !
Paris, le 7 aout 2017
Richard Pulvar
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